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De Sciences Po Paris à Harvard: le soulèvement pro-palestinien se généralise

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Sciences Po Paris est, depuis quelques semaines, le théâtre de manifestations de soutien à Gaza. ©SIPA

Par Ghorban-Ali Khodabandeh

Les manifestations universitaires pro-palestiniennes, qui embrasent les campus américains depuis mi-avril, essaiment en France. Si, la semaine dernière, c’est Sciences Po Paris qui a été occupée de mercredi à vendredi, puis la Sorbonne lundi, le soulèvement pro-palestinien sur les campus universitaires se développe désormais en région.

Les étudiants français ont décidé de rejoindre le mouvement international contre le génocide à Gaza et pour le cessez-le-feu, dans le sillage des mobilisations au sein des universités américaines Columbia, Yale ou encore Harvard.

Après le campement de Sciences Po Paris, évacué dans la nuit du 24 au 25 avril, c’est celui de la Sorbonne qui, à peine monté, a été délogé par les forces de l’ordre, lundi 29 avril, en début d’après-midi, à la demande du premier ministre, Gabriel Attal.

Alors que les classes dominantes cherchent à étouffer la colère par tous les moyens, entre criminalisation du mouvement de solidarité et répression judiciaire, les étudiants de la Sorbonne montrent la voie : il s’agit d’un pôle de résistance qui ne cesse de s’élargir.

Les campus universitaires aux États-Unis et en Europe se mobilisent pour la Palestine

Alors que la colère et le soulèvement d’étudiants américains pro-palestiniens contre la guerre grossit aux États-Unis, avec des face-à-face tendus avec la police, les forces de l’ordre ont évacué ces derniers jours les étudiants qui occupaient les locaux de la Sorbonne et de Sciences Po Paris.

Plusieurs dizaines de jeunes se sont mobilisés le lundi 29 avril à Paris en solidarité avec les victimes de Gaza. Les étudiants de la Sorbonne occupaient lundi la célèbre université parisienne pour dénoncer le génocide à Gaza. Après les campus de Sciences Po, du Havre et de Poitiers, un pôle de résistance et de solidarité se dessine. Le 29 avril, les forces de l’ordre ont délogé de la Sorbonne des étudiants mobilisés pour la cause palestinienne.

Les militants ont tenté d'installer un campement de tentes dans l’université, essayant visiblement d'importer en France le soulèvement pro-palestinien qui agite les campus américains depuis quelques semaines.

Cette mobilisation à la Sorbonne intervient trois jours après celle à Sciences Po. Des étudiants ont en effet occupé dans la nuit du 25 au 26 avril une partie des locaux de la célèbre école parisienne, où ils ont campé en soutien à la Palestine.

Les étudiants réclament notamment « la condamnation claire des agissements d'Israël » par leur établissement, ainsi que « la fin des collaborations » avec toutes « les institutions ou entités » jugées complices « de l'oppression systémique du peuple palestinien ». Ils exigent également l'arrêt de « la répression des voix pro-palestiniennes sur le campus ».

Alors que le chef de l'État français s'est présenté à la Sorbonne pour un discours sur l'avenir de l'Europe, des centaines d'étudiants se sont rassemblés pour exprimer leur réprobation, non seulement contre sa présence, mais aussi contre sa politique, en particulier en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien.

Depuis le regain de tensions à Columbia, le mouvement s’est étendu à 30 universités au cours des derniers jours, et des étudiants de plusieurs autres ont signalé leur intention de se joindre à ce qui est considéré comme l’une des plus grandes mobilisations contre la guerre et le complexe militaro-industriel américain depuis la guerre du Vietnam.

Le gouvernement français cherche à réprimer le mouvement pro-palestinien sur les campus

Le Premier ministre français Gabriel Attal a affirmé samedi qu'il « n'y aura jamais de droit au blocage » dans les universités, au lendemain d'une mobilisation pro-palestinienne tendue à Sciences Po, conclue par un accord entre manifestants et direction.

Le Premier ministre a déploré « le spectacle navrant et choquant » du blocage et de l'occupation partielle de l'établissement parisien par des manifestants pro-palestiniens vendredi, qui a tourné au face à face tendu avec les forces de police.

La situation s'est cependant apaisée dans la soirée, après que la direction a annoncé la suspension de procédures disciplinaires et l'organisation d'un débat interne la semaine prochaine.

L’approche répressive du gouvernement est critiqué par les élus des partis de gauche, présents même dans les rues de la proximité de l’établissement universitaire. Les députés LFI Thomas Portes et Jérôme Legavre se sont positionnés même entre les CRS et les étudiants. À noter que les interventions policières dans ce lieu hautement symbolique des révoltes étudiantes sont rares.

Mais les partis de droite exigent, sous influence par le lobby sioniste, une répression sérieuse contre les jeunes étudiants qui ont osé crier en plein Paris contre les crimes génocidaires du régime de Tel-Aviv.

Mais face à ces menaces, les étudiants ne montrent aucun signe de faiblesse. Le mouvement pro-Palestine s'est déjà propagé au rang des autres associations estudiantines.

Les organisations de jeunesse favorables à la mobilisation pro-palestinienne se heurtent à la volonté du gouvernement de veiller à ce que le mouvement parti des États-Unis ne se propage à la France, alors que l'année universitaire touche à sa fin.

Dans ce cadre, la région Île-de-France a annoncé lundi qu'elle suspendait ses financements à destination de Sciences Po Paris, soit un million d'euros prévu pour 2024, a précisé l'entourage de sa présidente Valérie Pécresse.

La France impose des restrictions excessives à l’expression de solidarité avec la Palestine    

La situation des droits de l’homme en France a continué en 2023 son « érosion », dénonce mercredi 24 avril Amnesty International dans son rapport annuel mondial. L’ONG basée à Londres s’inquiète notamment des coups portés à la liberté de manifester, alors que le soulèvement pro-palestinien s’amplifie sur les campus universitaires.

Amnesty International affirme que la France a récemment imposé des restrictions excessives à l’expression publique de solidarité avec la Palestine, notamment en annulant ou en interdisant les manifestations pro-Gaza.

« Ces dernières semaines, les restrictions aux formes d’expression en soutien aux Palestiniens se sont multipliées en France. Interdiction ou annulation d’évènements publics, accusations d’« apologie du terrorisme », critiquer la politique de l’entité israélienne devient difficile », a écrit Amnesty International France, en marge d’une conférence de presse organisée à Paris dans le cadre de la publication du rapport annuel mondial sur la situation des droits humains dans le monde.

Invoquant des risques de « troubles à l’ordre public », les autorités locales ont dans bien des cas interdit la tenue de manifestations sans examiner d’autres moyens de faire en sorte que les rassemblements se déroulent de manière pacifique, note Amnesty.

L’ONU cite entre autres l’interdiction d’une conférence sur la Palestine, qui devait se tenir début avril à Lille à l’initiative de l’Association Palestine Libre.

Les autorités françaises ont justifié leur décision d’interdire cette conférence par des inquiétudes concernant « l’apologie de terrorisme », mais les défenseurs des droits de l’homme ont condamné cette décision, la qualifiant de tentative d'étouffer le discours légitime sur la cause palestinienne.

La criminalisation du soutien à la Palestine en Occident

La répression du mouvement pro-palestinien des étudiants en France s’inscrit dans un contexte de criminalisation systématique du soutien à la Palestine. En effet ces dernières semaines, les convocations par la police pour « apologie du terrorisme » pleuvent sur les personnalités françaises exprimant leur solidarité avec la Palestine : notons récemment Mathilde Panot, cheffe des Insoumis, ou encore la juriste franco-palestinienne Rima Hassan.

À l’international, les mouvements étudiants de soutien à la Palestine prennent de l’ampleur, de la force et résonnent plus largement. Ils sont aussi violemment réprimés. Néanmoins, l’occupation des lieux et la lutte étudiante se poursuivent sur les campus ; à Paris, comme aux États-Unis, où la répression policière s’intensifie. Sans prise en compte de leurs demandes et revendications, les mobilisations étudiantes ne prévoient pas de s’essouffler.

Les mouvements étudiants en soutien à la Palestine, répertoriés ici à travers le monde, s’élèvent à plus de 300 depuis le début de l’assaut génocidaire israélien sur Gaza ayant tué plus de 34 000 Palestiniens depuis octobre.

Malgré une augmentation du nombre de personnes se rassemblant en France pour exprimer leur soutien à la Palestine et condamner les attaques israéliennes à Gaza, se solidariser publiquement pour la Palestine reste un défi. Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française, s’est certes prononcé contre l'interdiction systématique des rassemblements pro-palestiniens décidée par le ministre français de l'Intérieur, mais il n’en reste pas moins que les intimidations à l’adresse de ceux qui dénoncent le génocide à gaza se poursuivent en France.

Ce soulèvement pro-palestinien sur les campus révèle non seulement des frustrations spécifiques, mais aussi un malaise plus large au sein de la jeunesse française, qui se sent déconnectée et souvent trahie par les orientations prises par ses dirigeants et perçoit ses actions et opinions comme étant régulièrement ignorées et réprimées par l'État.

Ghorban-Ali Khodabandeh est un journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV