Par Maryam Qarehgozlou
Un adolescent palestinien a raconté l'histoire de sa mère, qui a été tuée dans un bombardement israélien en février à Rafah, dans le sud de Gaza avant de poursuivre : « Elle a été très grièvement blessée, je l'ai tenue dans mes bras dans la voiture, je lui caressais le visage et j'essayais de lui assurer « nous y sommes presque [à l'hôpital] » ».
Une photo déchirante de Shehab Omar Abou al-Hanud, 19 ans, accroché au corps enveloppé de sa mère, Ghada, sur un lit d'hôpital à Rafah, était intitulée à juste titre « Le dernier adieu ».
Ghada a été tuée dans une frappe aérienne israélienne après qu'une grande armoire lui soit tombée dessus, alors qu'elle, son mari et leurs deux enfants tentaient de sortir précipitamment d'un abri dans lequel ils résidaient dans la ville frontalière assiégée.
« Mon père l'a trouvée sous l'armoire qui lui était tombée dessus, nous avons nettoyé les débris sur elle et avons continué à l'appeler par son nom, la suppliant de nous parler, mais elle n'a pas pu répondre », se souvient Shehab lors d'une conversation avec les journalistes, luttant pour retenir ses abondantes larmes.
Lorsqu'ils arrivèrent à l'hôpital rempli de blessés et ont finalement trouvé un médecin, ce dernier l'a examinée rapidement et leur a dit qu'il n'y avait aucun espoir et qu'il fallait la déplacer dans la tente où sont conservés les corps des défunts, en remplacement de la morgue.
« Mais nous avons vu qu'elle respirait encore, elle bougeait... nous avons parlé au médecin, discuté avec lui », a-t-il déclaré, en colère et exaspéré.
Ghada a réussi à rester en vie pendant 40 minutes supplémentaires lorsque le médecin l'a ramenée à la tente de traitement et lui a administré des liquides intraveineux et de l'oxygène.
« Elle était tout pour moi », a déclaré Shehab en ajoutant : « Elle était ma mère, ma sœur et mon amie. La vie sans elle n'a aucun sens. J’ai le droit d’avoir une mère… le droit de vivre avec ma mère » ;
« Elle voulait vraiment nous parler, mais elle ne pouvait pas... quelques secondes avant que son âme ne la quitte, une larme a coulé sur son visage... elle a semblé nous sourire, puis elle est partie : que son âme repose en paix ».
« Une guerre contre les femmes »
La guerre génocidaire du régime israélien contre Gaza, qui en est maintenant à son sixième mois, a déjà coûté la vie à plus de 31 700 personnes à Gaza, dont au moins 9 000 femmes. Beaucoup sont toujours portées disparues.
L’ONU Femmes a déclaré plus tôt ce mois-ci que ce chiffre était « probablement sous-estimé » car beaucoup plus de femmes sont présumées mortes sous les décombres.
On estime également qu'en moyenne 63 femmes sont tuées chaque jour dans ce territoire ravagé par la guerre et sous blocus, dont 37 sont des mères, laissant leurs enfants « avec une protection diminuée ».
Alors qu’Israël utilise la famine comme arme de guerre contre les 2,3 millions d’habitants de Gaza, 4 femmes sur 5 (84 %) à Gaza ont déclaré à ONU Femmes qu’au moins un membre de leur famille avait dû sauter des repas pour nourrir ses enfants.
« Dans 95 % de ces cas, ce sont les mères qui se privent de nourriture, sautant au moins un repas pour nourrir leurs enfants », certaines mères cherchant de la nourriture sous les décombres ou dans les bennes à ordures », ajoute le rapport.
Un autre rapport publié à la mi-janvier a révélé que près d'un million de femmes à Gaza sont déplacées et qu'au moins 3 000 femmes sont devenues veuves et cheffes de famille à la suite du décès de leur mari.
Les faits mentionnés ci-dessus, selon le rapport, expliquent pourquoi la guerre contre Gaza est aussi « une guerre contre les femmes ».
« Des rapports choquants »
Dans un communiqué publié le mois dernier, un groupe d'experts de l'ONU a exprimé son inquiétude face aux violations des droits humains des femmes et des filles palestiniennes dans la bande de Gaza et en Cisjordanie occupée.
Les experts ont déclaré que les informations faisant état de « ciblage délibéré » et d’« exécutions extrajudiciaires » de femmes et d’enfants palestiniens dans les endroits où ils cherchaient refuge ou alors qu’ils fuyaient à Gaza étaient « choquantes ».
En janvier, la Palestinienne Hala Khreis a été « exécutée » par un tireur d’élite israélien dans le nord de Gaza, même si une vidéo vérifiée et largement diffusée la montrait tenant la main de son petit-fils qui brandissait un drapeau blanc et marchait le long d’une route d’évacuation déclarée sûre.
Selon les règles des conflits armés consacrées par la Convention de Genève, un drapeau blanc « est un drapeau de trêve » pour les personnes, civils et combattants, qui cherchent protection ou se rendent pendant la guerre.
Les enfants de Khreis ont déclaré qu'un tireur d'élite israélien avait abattu leur mère âgée de « sang-froid » alors qu'elle brandissait un drapeau blanc et marchait le long d'une route d'évacuation qui avait été déclarée « sûre » par les forces d'occupation.
Khreis n’est cependant pas le seul cas. Selon les experts de l'ONU, un nombre indéterminé de femmes et d'enfants palestiniens, dont des filles, auraient disparu après un contact avec l'armée israélienne à Gaza.
« Des informations inquiétantes font état d'au moins une petite fille arrachée de force, transférée par l'armée israélienne en Israël, et d’enfants séparés de leurs parents, dont on ignore où ils se trouvent. »
Violences sexuelles
Les experts de l’ONU ont également exprimé leur « vive inquiétude » concernant la détention arbitraire de centaines de femmes et de filles palestiniennes, notamment des défenseurs des droits humains, des journalistes et des travailleurs humanitaires, à Gaza et en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre.
« Beaucoup auraient été soumises à des traitements inhumains et dégradants, privées de serviettes hygiéniques, de nourriture et de médicaments, et rouées de coups. À au moins une occasion, des femmes palestiniennes détenues à Gaza auraient été enfermées dans une cage sous la pluie et le froid, sans nourriture », ont-ils noté dans un communiqué.
Selon ces experts, chargés d'enquêter et de surveiller les faits au sein du système des droits de l'homme des Nations unies, les femmes et les filles palestiniennes en détention ont également été soumises à de multiples formes d'agression sexuelle, comme être déshabillées et fouillées par des officiers masculins de l'armée israélienne.
Des témoignages de première main de prisonniers palestiniens libérés, compilés par AF3IRM, une organisation anti-impérialiste transnationale, a également confirmé ces informations.
« J’ai laissé des petites filles pleurer dans ma cellule de prison. Pourquoi? Parce que des choses indescriptibles leur arrivent là-bas... Des choses inimaginables de la part des soldats [israéliens] », a dénoncé Israa Jaabis, une Palestinienne qui a passé près de huit ans dans les prisons israéliennes, après sa libération en novembre de l'année dernière.
Une autre prisonnière libérée, Lama Khater, a également déclaré qu'on lui avait bandé les yeux et qu'on l'avait menacée de viol comme forme d'intimidation à son encontre.
Le rapport cite une autre prisonnière libérée qui a déclaré que « plus de 15 femmes palestiniennes ont été agressées sexuellement » par les forces israéliennes qui cherchaient à leur arracher des aveux.
Selon le rapport, les militaires israéliens conservent même des bandes vidéo des horribles abus sexuels pour faire chanter les personnes enlevées après leur libération.
L'Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'homme, basé à Genève, a également partagé des témoignages documentés de détenues palestiniennes qui ont fait état de violences sexuelles, de torture, de traitements inhumains, de fouilles à nu, de harcèlement sexuel et de menaces de viol alors qu'elles étaient sous la garde des forces israéliennes.
« On m’a menacé de viol et on m’a dit que je ne verrais pas mes enfants si je désobéissais aux ordres du soldat » a déclaré à Euro-Med une habitante de 45 ans du quartier Sheikh Radwan de la ville de Gaza, qui a requis l'anonymat pour des raisons de sécurité.
Elle a été arrêtée par les forces israéliennes le 28 décembre 2023. Elle a été emmenée dans une école gérée par l'ONU et abritant des personnes déplacées dans le camp de réfugiés de Bureij, dans le centre de la bande de Gaza, et détenue pendant 43 jours.
La semaine dernière, le Conseil de sécurité de l'ONU a tenu une réunion convoquée par Israël, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France pour se concentrer sur un récent rapport de la représentante spéciale du Secrétaire général de l'ONU sur la violence sexuelle dans les conflits, Pramila Patten, prétendant avoir trouvé des « motifs raisonnables » de croire que le Hamas a commis des « tortures sexualisées » contre des colons israéliens lors de l’opération Tempête d’Al-Aqsa le 7 octobre.
Riyad Mansour, ambassadeur palestinien aux Nations Unies, a critiqué le Conseil de sécurité pour avoir réagi « sans précédent » au rapport de Patten en convoquant une réunion dans un délai d'une semaine, mais sans répondre aux informations crédibles faisant état d'agressions sexuelles contre des femmes et des filles, des hommes et des garçons palestiniens.
« Pendant des décennies, les enquêtes sur les agressions sexuelles contre des femmes, des hommes, des filles et des garçons palestiniens n'ont pas conduit le Conseil de sécurité à convoquer une seule réunion sur la question », a déclaré Mansour, citant les conclusions du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) selon lesquelles, depuis le 7 octobre, les arrestations des forces de sécurité israéliennes étaient « souvent accompagnées de passages à tabac, de mauvais traitements et d’humiliations à l’encontre des femmes et des hommes palestiniens, y compris des actes d’agression sexuelle tels que des coups de pied sur les parties génitales et des menaces de viol ».
« [Israël] est toujours la victime, même lorsqu’il tue, détruit et vole, et pas un seul dirigeant israélien, pas un seul membre des forces d’occupation israéliennes n’a jamais été tenu pour responsable d’un crime commis contre le peuple palestinien. »
Les allégations selon lesquelles le Hamas aurait eu recours à la violence sexuelle le 7 octobre, promues par le New York Times, ont déjà été démenties.
Réaction mondiale
Alors que l’occupation des territoires palestiniens par Israël depuis plus de soixante-dix ans et sa récente guerre contre Gaza ont affecté de manière disproportionnée les femmes palestiniennes, le régime continue d’être membre de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW).
La CSW est le principal organisme intergouvernemental mondial exclusivement dédié à la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes.
Lors du sommet annuel de deux semaines qui s'est ouvert à New York le 11 mars, les représentants iraniens ont réitéré leurs appels pour qu’Israël soit évincé de l’organisme de l’ONU.
S'exprimant lors de la 68e réunion annuelle de la commission à New York, la vice-présidente iranienne chargée des femmes et des affaires familiales, Ensieh Khazali, a exhorté à retirer Israël de l'organisme pour ses attaques en cours à Gaza.
« Au nom des femmes puissantes d’Iran, et d’une seule voix avec les femmes résistantes et pacifistes, j’appelle à la révocation de l’adhésion du régime terroriste israélien à cette commission », a-t-elle déclaré.
Kazem Gharibabadi, secrétaire du Haut Conseil iranien des droits de l'homme, a également exigé le retrait d'Israël de la CSW pour le même motif dans des lettres adressées au Secrétaire général des Nations unies, au président du Conseil économique et social des Nations unies et au Haut-commissariat des Nations unies à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars.
« Le maintien d'Israël [à la commission] est une parodie des principes des droits de l'homme et du droit international humanitaire, et une humiliation pour la Commission [de l'ONU] sur le statut de la femme, ses objectifs et ses missions », a écrit Gharibabadi.
En allusion au meurtre par le régime de milliers de femmes palestiniennes lors de frappes incessantes contre la bande de Gaza, le représentant permanent de l'Iran auprès des Nations unies, Saeed Iravani, a également appelé au retrait d'Israël de l'organisme des droits des femmes des Nations unies,
« À l’occasion de la Journée internationale de la femme, l’autonomisation des femmes et le renforcement de leurs droits, il est nécessaire de lutter contre les injustices. Plus de 9 000 femmes palestiniennes ont été tuées par le régime israélien au milieu de l’inaction de la CSW », a-t-il écrit dans un message sur X, anciennement Twitter.
Nasser Kanaani, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, a fait écho à d’autres responsables iraniens à l’occasion de la Journée internationale de la femme soulignant que le monde exige l’expulsion d’Israël de la CSW en raison des crimes du régime sioniste contre les civils, en particulier les femmes et les enfants.
« L'expulsion du régime sioniste usurpateur de la Commission de la condition de la femme de l'ONU est une exigence mondiale en raison du meurtre de milliers de femmes et des crimes contre l'humanité ; sans oublier la famine imposée à la population civile, en particulier les femmes et les enfants », a-t-il dénoncé.
Alireza Youssefi, ambassadeur iranien auprès du Royaume de Norvège et d'Islande, a également tenu les mêmes propos dans un message sur X.
« La majorité des personnes tuées à cause des crimes de guerre commis par Israël dans la guerre à Gaza sont des femmes palestiniennes. L'action nécessaire à l'occasion de la Journée internationale de la femme, le 8 mars, est le retrait d'Israël de la Commission de la condition de la femme de l'ONU », a-t-il écrit.
Les militants des droits de l'homme se sont également emparés des médias sociaux et ont dénoncé les graves injustices infligées aux femmes à Gaza par l'occupation israélienne et ils ont critiqué le mépris de l'Occident pour ces violations à l'occasion de la Journée internationale de la femme.
L'ancien député travailliste britannique Chris Williamson, dans un article sur X, a dénoncé l'indifférence des hommes politiques travaillistes britanniques face à la violence actuellement exercée contre les femmes palestiniennes.
« Lorsque les hommes politiques travaillistes britanniques parlent des droits des femmes, ce n'est que de la rhétorique vide de sens. Ces charlatans ne se soucient pas des droits des femmes palestiniennes à Gaza », a-t-il écrit.
« Il semble que les droits des femmes n'incluent pas les femmes de Gaza », a écrit Ahmed Smiry, un résident de Gaza.
Fiona Edwards, une militante des droits humains, a également appelé à soutenir les femmes de Gaza qui subissent le plus gros d'une attaque soutenue par l'Occident.
« Soutenez les femmes palestiniennes à l'occasion de la Journée internationale de la femme. L’attaque israélienne contre Gaza, soutenue par l’Occident, est une attaque violente contre les femmes et les filles. La guerre d'Israël est une guerre contre les femmes », a-t-elle écrit.
« Les femmes et les enfants de Gaza représentent 70 % des victimes israéliennes. Deux mères sont tuées toutes les heures. Les femmes accouchent à Gaza sans anesthésie, sans médecins, sages-femmes, infirmières. Des dizaines de milliers de bébés n’ont pas de mère pour les porter », a déploré une autre militante des droits humains, Emeka Gift, dans un article sur X.