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La déshumanisation des Palestiniens enracinée dans un phénomène appelé « modernité occidentale »

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Xavier Villar

Depuis le 7 octobre, nous assistons à une déshumanisation rapide et alarmante des Palestiniens, essentiellement enracinée dans ce que l’on appelle la « modernité occidentale », un discours fondé sur la création de deux espaces antagonistes : les humains et les non-humains.

Comme l’a écrit un philosophe et romancier jamaïcain, la lutte se déroule entre le concept d’« humain », réduit à sa dimension occidentale, et le reste des corps qui ont été construits à partir de la perspective du premier comme une simple biologie sans humanité.

Suivant cette ligne de pensée, le professeur Osamu Nishitani de l'Université des études étrangères de Tokyo explique que le monde est divisé, à partir de l'idéologie occidentale, entre ce qu'il appelle l'humanitas et l'anthropos.

Les premiers seraient la population capable de raisonner et d’accéder à un savoir universel, ce qui facilite sa projection politique dans le futur. En même temps, ces derniers seraient incapables de construire ce type de pensée complexe.

Politiquement donc, les premiers disposent d’une capacité d’action suffisante pour construire l’histoire, tandis que les seconds, en raison de leur passivité, sont à la merci des premiers.

Cette ligne de pensée trouve son origine dans ce que l’on appelle la modernité occidentale. En fait, on peut dire qu'à partir de Descartes (un penseur français du XVIIe siècle), l'idée d'une pensée occidentale comme « objective » ou « impartiale », ainsi que « rationnelle » et « scientifique », est devenue la forme la plus explicite de racisme qui persiste.

Ce racisme peut être défini comme épistémologique, car il universalise le savoir occidental comme applicable à tous les peuples du monde tout en délégitimant d'autres formes de savoir en les considérant comme « non scientifiques » ou « non modernes ».

Dans la modernité occidentale, on est passé de la figure de Dieu comme centre à la figure de l’homme occidental occupant cette même position.

En d’autres termes, il y a eu un changement idéologique par lequel l’homme blanc occidental s’est positionné comme « l’être suprême » dans l’ordre de l’existence.

Dans le même temps, alors que se produisait ce changement discursif, la violence inhérente à cette division du monde entre humanitas et anthropos était exportée.

Le poison dont parlait Césaire était précisément cette vision coloniale et génocidaire créée par l’idéologie occidentale. Simultanément, cette vision coloniale impliquait nécessairement la racialisation et la division ultérieure du monde en termes raciaux.

Il convient de noter que lorsque nous parlons de « race », nous ne parlons pas de phénotypes, c'est-à-dire de biologie, mais plutôt d'une technologie de gestion de la différence humaine, dont le but premier est la production, la reproduction et le maintien de la suprématie blanche, tant au niveau local que mondial.

En raison de tout ce qui précède, « l’homme », compris comme occidental, est construit comme « l’homme impérial », comme le décrit le philosophe portoricain Nelson Maldonado-Torres.

C'est un type d'humanité qui devient égolatrie. Une égolatrie perverse qui opère sur la base du rejet de l’altérité. En fin de compte, le narcissisme devient homicide, et le commandement « Tu ne tueras pas » se transforme en un projet identitaire fondé sur le principe « Je tue, donc j'existe ».

Ce discours a été intériorisé par certaines personnalités musulmanes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, qui ont accepté sans réserve les notions de « civilisation », de « culture », de « modernité » et de « progrès ».

Beaucoup de ces intellectuels pensaient donc que la seule façon de surmonter le prétendu retard des pays musulmans était d’adopter le discours occidental et toutes ses catégories. Ce type de discours, même s'il était enveloppé d'un extérieur « islamique », restait une vision coloniale auto-imposée.

En Iran par exemple, ce type de discours raciste d’origine occidentale a guidé la dynastie Pahlavi (1925-1979) dans son projet de construction nationale.

Sans entrer dans l’analyse exhaustive de la façon dont ce discours s’est manifesté dans l’Iran d’avant la révolution, il est intéressant de mentionner quelques détails.

Il s’agit d’un discours essentialiste privilégiant une vision mythique du passé préislamique, considéré comme « détruit par l’invasion arabo-musulmane ». Comme nous pouvons le constater, cette définition résume entièrement la pensée occidentale.

De même, c’est la distinction entre humanitas et anthropos qui sous-tend le mouvement colonial en Palestine.

L’idée selon laquelle la vie et le corps des Palestiniens n’ont pas d’importance parce que leur humanité n’est pas pleinement reconnue est le produit de ce complexe idéologique connu sous le nom de « modernité occidentale ».

Dans le contexte palestinien, la résistance palestinienne, à la fois matériellement et idéologiquement (c'est-à-dire en refusant d'accepter leur déshumanisation), est empêtrée dans un processus de re-racisation constante, les positionnant toujours comme des « indigènes rebelles » et, en tant que telles, des cibles du programme sioniste de génocide.

Cependant, cette résistance souligne que le discours occidental sur le manque d’action politique parmi les musulmans est simplement un discours qui cherche à créer ce qu’il décrit. Tout comme la Révolution islamique, ces deux moments font partie du même discours qui vise à réhumaniser « l’autre » de l’Occident.

Par conséquent, d’un point de vue politico-idéologique, l’existence de l’Axe de la Résistance constitue une menace vitale pour l’idéologie occidentale, une idéologie déjà affaiblie par la Révolution islamique de 1979 et les événements qui ont suivi.

En d’autres termes, le système de domination occidental n’a plus la même force ni la même capacité à se reproduire. C’est un paradigme épuisé qui se retrouve dans une position défensive, une position totalement génocidaire.

Xavier Villar est docteur en études islamiques et chercheur basé en Espagne.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV