TV

Irak : les appels se font plus forts en faveur du départ des États-Unis

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Wesam Bahrani

Les appels se font de plus en plus forts en faveur de l'expulsion des troupes américaines d'Irak après le dernier bombardement de la région frontalière à l'ouest du pays avec la Syrie, où se trouvaient les installations des Hachd al-Chaabi (PMU). 16 soldats de la lutte contre la résurgence des terroristes de Daech ont été tués.

Dimanche, un grand cortège funèbre s'est rassemblé au siège du PMU, rue Palestine à Bagdad. Il était composé de hautes personnalités politiques et militaires, entre autres, Hadi al-Ameri, chef de l'organisation Badr et membre de l'alliance parlementaire Fatah, et le chef du PMU, Faleh al-Fayadh.

Al-Fayadh a appelé le Premier ministre irakien à accélérer le processus du retrait des forces américaines d'Irak. Les États-Unis « jouent avec le feu » en attaquant les bureaux administratifs du PMU, un hôpital et en tuant des soldats qui protégeaient la frontière, a-t-il noté.

« Nous ne permettrons pas que la mort de nos frères, qui représente la dignité de l'Irak, reste sans réponse... Nous ne nous contenterons pas de processions funéraires et de condoléances... c'est jouer avec le feu qu'attaquer les Hachd al-Chaabi, c'est jouer avec le feu ! », a martelé le chef du PMU. L'agression américaine « a franchi une ligne rouge ».

Il a appelé les dirigeants politiques irakiens à « purifier notre terre » en expulsant les forces étrangères, décrivant les Hachd al-Chaabi comme la fierté de la nation et des forces armées irakiennes.

Les Hachd al-Chaabi ont été récemment redéployées dans la province occidentale d’al-Anbar, à la frontière syrienne, par le Premier ministre Mohammed Shia al-Sudani, commandant en chef des forces armées, pour protéger les déserts séparant les deux pays des terroristes de Daech.

Les forces dépêchées à al-Anbar ont été attaquées à plusieurs reprises samedi par un avion de combat américain.

Le ministère irakien des Affaires étrangères a déclaré que l'agression visait les forces de sécurité irakiennes ainsi que des sites civils dans les régions d'Akashat et d'al-Qaim, ce qui a entraîné des morts et des blessés, notamment des civils, en plus des dommages aux bâtiments résidentiels et aux biens des citoyens.

Le bureau du Premier ministre irakien a ensuite publié une vidéo d'al-Sudani marchant à côté d'al-Fayadh alors qu'ils rendaient visite aux membres du PMU blessés par les frappes américaines, dans un grand complexe hospitalier.

Des images sont parues d'Abou Fadek, qui a remplacé le défunt chef adjoint des Hachd al-Chaabi, Abou Mahdi al-Muhandis, en train de superviser les dommages causés par les attaques américaines à al-Qaim, aux côtés de Mohsen al-Mandalaoui, président par intérim du Parlement irakien. 

Abou Fadek n'est pas connu pour faire des déclarations, donner des interviews ou des discours et il est impossible de lire dans ses pensées. En tant que chef du PMU, il coordonnera avec al-Sudani le retrait des forces américaines.

Dans un message publié sur les réseaux sociaux, Nouri al-Maliki, le chef de la Coalition pour l'État de droit au Parlement irakien et ancien Premier ministre, a estimé que « l'agression américaine contre la souveraineté de l'Irak et le meurtre de sang froid de ses fils se sont reproduits d'une manière sans précédent, sans aucune retenue de la part de la communauté internationale ».

Le général Yahya Rasoul, conseiller d'al-Sudani, a déclaré que les frappes américaines ont eu lieu « à un moment où l'Irak s'efforce d'assurer la stabilité de la région ».

Alors que la grogne monte, les parlementaires sont sous pression pour mettre en œuvre la résolution 18 - adoptée en 2020 suite à l'assassinat du lieutenant-général Qassem Soleimani et d'al-Muhandis - qui exige le retrait de toutes les forces étrangères du territoire irakien. 

Washington prétend qu’il ne cherche pas l’escalade dans la région, mais les bombardements de la région proche de la frontière irako-syrienne ne sont certes pas un moyen d'apaiser les tensions.

La Maison Blanche n'a pas tardé à affirmer que des « miliciens soutenus par l'Iran » étaient à l'origine de l'attaque contre la « Tower 22 ». Pourtant, lors des cérémonies funéraires de dimanche, les cercueils des soldats morts étaient enveloppés de drapeaux irakiens et des personnes endeuillées tenaient en main des photos du martyr irakien al-Muhandis. Al-Fayadh a conclu son discours en promettant de ne pas décevoir la plus haute autorité religieuse irakienne, l'Ayatollah Sayyed Ali al-Sistani, dans la ville sainte de Najaf.

Téhéran a fourni un soutien militaire et logistique à Bagdad à l’été 2014, lorsque les terroristes de Daech ont envahi les deux tiers du territoire irakien.

C'est un fait connu. L’armée irakienne entraînée par les États-Unis s’est effondrée. Les Hachd al-Chaabi ont été formés pour libérer les terres occupées.

Les forces irakiennes, dirigées par le PMU, disposent désormais de la capacité militaire nécessaire pour mener leurs propres opérations sans avoir besoin du soutien de Téhéran. L’Iran n’a jamais donné d’ordres sur la manière dont la Résistance irakienne agit face à l’occupation américaine, comme l’attestent les deux parties.

La question des factions anti-américaines rétablissant l'identité nationale, la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Irak semble avoir été négligée. La question d’une occupation américaine en Irak ne fait l’objet d’aucune couverture médiatique en Occident.

Certains responsables américains ont lié les pertes des troupes américaines au Kataib Hezbollah, une faction des Hachd al-Chaabi en Irak.

L’ironie est que le Kataib Hezbollah, dont les principales forces dépendent du gouvernement tandis que certains membres ont récemment rejoint la Résistance islamique en Irak, a conseillé à tous ses membres de s’abstenir d’attaquer les bases américaines par respect pour le gouvernement.

Le gouvernement d'al-Sudani travaille actuellement sur un plan permettant à toutes les forces étrangères, y compris les forces américaines, de quitter le pays arabe, conformément à la demande de longue date du peuple irakien. Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, a indiqué que les États-Unis avaient l'intention de mener des « frappes supplémentaires », affirmant que les attaques aériennes de vendredi « ne sont pas la fin » de l'agression américaine, qui, selon Washington, est une réponse à l'opération du PMU sur la base « Tower 22 » qui a conduit à la mort de trois soldats américains.

Qu'est-ce que la « Tower 22 » ? Même les médias occidentaux se sont efforcés de trouver des informations sur le site secret américain après qu'il a été frappé par un drone par la Résistance islamique en Irak.

L’attaque de la Résistance irakienne contre la Tower 22 était en réalité dirigée contre al-Tanf. Au lendemain de l'opération, la Résistance a publié une déclaration affirmant qu'elle avait pris pour cible al-Tanf en réponse à l'occupation américaine de l'Irak et en solidarité avec la population de Gaza.

Il s’avère que la secrète Tower 22 en Jordanie est située juste à côté de la base américaine d’al-Tanf, à la frontière syro-jordanienne.

La proximité est telle que même les responsables jordaniens ont initialement déclaré que l'attaque avait eu lieu à al-Tanf en Syrie et non sur le territoire jordanien.

Essentiellement, la Tower 22 et al-Tanf sont deux sections d’une même base militaire américaine. Ce qui les divise, c’est une frontière avec une moitié de la base américaine en Jordanie et l’autre en Syrie ; cette dernière dont l’occupation illégale américaine refuse de se retirer.

La Résistance irakienne a ciblé al-Tanf en Syrie sans prévoir que la frappe de drone atteindrait la base Tower 22. Et ce alors que l’armée américaine dispose de missiles sol-air stationnés sur le site, capables d’abattre les projectiles entrants.

Pourquoi les systèmes de missiles américains n’ont-ils pas réussi à intercepter l’opération de drones depuis l’Irak, qui était destinée à la section al-Tanf de la base, c'est une question à laquelle le Pentagone lui-même est aux prises.

Il va sans dire que ce qui s’est produit le 28 janvier et qui a entraîné la mort de trois soldats américains se résume en partie à la négligence technique et militaire des États-Unis.

Les attaques américaines dissuaderont-elles le PMU de frapper à nouveau les bases américaines, aussi longtemps que la guerre génocidaire israélienne contre Gaza se poursuivra ? La réponse courte est non. Le PMU a attaqué des bases américaines au lendemain de l’agression américaine meurtrière.

C’était une autre grave erreur de Washington. Selon la loi irakienne, les forces américaines doivent quitter l'Irak. Les Hachd al-Chaabi ont le droit de cibler les bases américaines qui occupent illégalement le territoire irakien. Les États-Unis n’ont pas le droit d’être en Irak, encore moins de tuer leurs soldats.

Washington prétend qu’il ne cherche pas l’escalade dans la région, alors que le gouvernement irakien s’efforce de mettre un terme à l’occupation américaine ; le Pentagone a intensifié les tensions dans l’un des nombreux points chauds d’Asie de l’Ouest qui mèneront à son éviction éventuelle.

Les États-Unis ont franchi la proverbiale ligne rouge. Le président Joe Biden doit se demander dans quelle mesure Washington souhaite intensifier les tensions en Irak. Rien de tout cela ne serait arrivé si les États-Unis n’avaient pas soutenu le régime israélien dans sa guerre génocidaire contre la population civile de Gaza.

Une chose semble claire. Les Irakiens n’ont pas peur des bombardiers à longue portée B-1 envoyés depuis les États-Unis. Ils sont déterminés à mettre fin à l’occupation américaine de l’Irak et au génocide perpétré par Israël contre les Palestiniens.

Wesam Bahrani est un journaliste et commentateur irakien.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)

Partager Cet Article
SOURCE: FRENCH PRESS TV