Par Iqbal Jassat
Alors que l’indignation mondiale continue de couver face au massacre des Palestiniens dans la bande de Gaza assiégée par le régime colonial sioniste, il est nécessaire de revenir sur l’histoire de l’Afrique où a eu lieu le premier génocide du 20 ème siècle.
Bien que 120 ans séparent les événements tragiques sur deux continents – de la Palestine à la Namibie – l’horreur des génocides prémédités évoque une douleur et une souffrance sans précédent pour les victimes.
Les historiens rapportent qu'en 1904, les peuples Herero et Nama de Namibie alors connus sous le nom de Sud-Ouest africain allemand, se sont soulevés contre les colonisateurs allemands dans leur lutte pour la liberté.
La guerre lancée par l'Allemagne contre les Herero et les Namaet, le tristement célèbre ordre d'extermination émis par le général allemand Lothar von Trotha pour écraser la population indigène, sont considérés par la plupart des historiens comme le premier génocide du XXe siècle.
« À l'intérieur des frontières allemandes, tout Herero de sexe masculin, armé ou non, sera abattu. Je n'accueillerai plus de femmes ni d'enfants ; mais, je les reconduirai vers leur peuple ou je leur ferai tirer dessus. Ce sont mes paroles à l'intention du peuple Herero. Le grand général du puissant Kaiser allemand ».
Diverses sources confirment qu'au cours des quatre années qui ont suivi, à partir de 1904, des dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants ont été abattus, torturés ou conduits dans le désert du Kalahari pour mourir de faim par les troupes allemandes.
C'est dans ce contexte que de nombreux commentateurs ont été choqués d'apprendre la décision du gouvernement allemand de soutenir le régime de Benjamin Netanyahu dans l'affaire du génocide portée par l'Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de Justice (CIJ) en début de semaine.
L'Allemagne a déclaré qu'elle s'opposait à l'Afrique du Sud en se rangeant derrière Israël.
« Le gouvernement allemand rejette fermement et explicitement l’accusation de génocide portée contre Israël devant la Cour internationale de Justice. Cette accusation n'a aucun fondement », a déclaré le porte-parole du gouvernement allemand, Steffen Hebestreit, dans un communiqué.
Il a souligné que l'Allemagne portait une responsabilité particulière à l'égard d'Israël en raison du génocide des Juifs par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale et, il a déclaré que le gouvernement allemand continuera à soutenir Israël dans sa défense contre le Hamas.
« Compte tenu de l’histoire de l’Allemagne, des crimes contre l’humanité et de la Shoah, le gouvernement est particulièrement attaché à la Convention des Nations Unies sur le génocide », a déclaré Hebestreit.
« Le gouvernement allemand soutient la Cour internationale de Justice dans son travail, comme il le fait depuis de nombreuses décennies. Le gouvernement a l’intention d’intervenir en tant que tiers lors de l’audience principale. »
Cependant, cette décision bizarre a suscité une controverse et à juste titre.
Le président de la Namibie, le Dr Hage G Geingob, a publié une déclaration de condamnation ferme rejetant le soutien de l’Allemagne aux intentions génocidaires du régime raciste israélien contre la population de Gaza.
Il a rappelé à l'Allemagne que sur le sol namibien, elle avait commis le premier génocide au cours duquel des dizaines de milliers de Namibiens innocents sont morts dans les conditions les plus inhumaines et les plus brutales.
« Le gouvernement allemand n'a pas encore entièrement payé le génocide qu'il a commis sur le sol namibien », a-t-il déclaré.
Dans sa déclaration, le président Geingob a critiqué l’incapacité de l’Allemagne à tirer les leçons de son horrible histoire en Namibie.
Il a en outre exprimé sa profonde préoccupation face à la décision choquante de l’Allemagne de rejeter l'accusation moralement juste présentée par l'Afrique du Sud devant la Cour pénale internationale selon laquelle Israël commet un génocide contre les Palestiniens à Gaza.
« Ignorant la mort violente de plus de 23 000 Palestiniens à Gaza et divers rapports des Nations Unies soulignant de manière inquiétante le déplacement interne de 85 % des civils à Gaza, dans un contexte de pénuries aiguës de nourriture et de services essentiels, le gouvernement allemand a choisi de défendre devant la Cour pénale internationale, les actes génocidaires et horribles d'Israël contre des civils innocents à Gaza et dans les territoires palestiniens occupés », a-t-il noté.
Le dirigeant namibien a affirmé à juste titre que l’Allemagne ne peut pas moralement exprimer son engagement envers la Convention des Nations Unies contre le génocide, y compris l’expiation du génocide en Namibie, tout en soutenant l’équivalent d’un holocauste et d’un génocide à Gaza.
100 days of indiscriminate Israeli onslaughts on Gaza, 100 days of blood, tears, and sighs!#GazaGenocide pic.twitter.com/KMiA158eV2
— Press TV (@PressTV) January 14, 2024
De nombreux organismes de surveillance des droits de l’homme ont conclu avec froideur qu’Israël commet des crimes de guerre à Gaza.
Le président Geingob a réitéré son appel du 31 décembre 2023 selon lequel « aucun être humain épris de paix ne peut ignorer le carnage mené contre les Palestiniens à Gaza ».
Il n'est donc pas surprenant que le mouvement de résistance palestinien Hamas ait noté avec inquiétude ces développements qui, selon lui, ne doivent pas se faire aux dépens de la Palestine.
« Nous nous attendions à ce que l'Allemagne ait tiré une leçon de son histoire récente car elle a commis plus d'une fois un génocide au cours du siècle dernier ; le premier contre la population de Namibie au début du siècle dernier », a déclaré le mouvement basé à Gaza.
« Il n'est permis, en aucun cas, à l'Allemagne de tenter de corriger ses péchés, aux dépens de notre peuple et en défendant les criminels qui commettent le crime de génocide et de nettoyage ethnique contre notre peuple palestinien », a expliqué le Hamas [en faisant allusion aux propos du responsable allemand sur les nazis et ceux qu’ils ont fait aux juifs].
La Namibie et le Hamas ont appelé le gouvernement allemand à revenir immédiatement sur sa décision et à soutenir les victimes palestiniennes et leurs droits légitimes à la liberté, à l'indépendance et à l'autodétermination.
Jusqu’à présent, l’Allemagne et les autres alliés israéliens en Occident se situent du mauvais côté de l’Histoire.
Iqbal Jassat est membre exécutif du Media Review Network, Johannesburg, Afrique du Sud.
(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV )