Par Xavier Villar
Le sport est souvent le reflet de la société dans son ensemble. En particulier, le football est devenu un microcosme à travers lequel on peut analyser une société spécifique, ses fondements idéologiques, ses horizons éthico-politiques et la réponse des citoyens à tout ce qui a été mentionné.
Dans le cas spécifique d'Israël, l'équipe de football qui représente le mieux les fondements idéologiques sur lesquels repose l'entité coloniale est le Beitar, considéré comme « l'équipe la plus raciste du monde ».
Le 7 octobre, à la suite de l'opération du Hamas contre l'entité sioniste, un groupe de partisans radicaux du Beitar, connu sous le nom de « La Familia », se serait rendu dans un hôpital après avoir appris qu'un combattant blessé du Hamas y était soigné.
Le groupe est entré dans l'hôpital, a traversé tous les étages et a exigé que le patient leur soit remis, scandant des slogans tels que « Mort aux Arabes » et « Mort aux terroristes ».
Ce groupe, créé en 2005, adopte une idéologie clairement anti-arabe et islamophobe. Il est classé comme groupe « ultra » tant par les médias locaux que par les médias occidentaux.
Pour faciliter sa catégorisation comme groupe ultra, il est souvent rappelé que lors de la vague de manifestations anti-régime depuis au moins 2020, les racistes de La Familia se sont alignés sur le régime actuel de Benjamin Netanyahu à Tel Aviv et sont descendus dans la rue pour agresser les deux journalistes et les manifestants.
La soi-disant existence de sionistes progressistes est considérée par beaucoup comme un mythe colonial.
Lors de récents sondages, une écrasante majorité de la population des colons israéliens estime que leurs forces armées utilisent « trop peu de puissance de feu à Gaza ».
Seulement environ 1,8% de la population considère que les forces d'occupation sionistes « outrent » ce qu'elles déchaînent sur la bande de Gaza.
Eu égard à ces données, on peut affirmer que la société sioniste et les partisans de La Familia représentent les deux faces d’une même violence coloniale. D’un point de vue libéral, on tentera de perpétuer le mythe selon lequel les fans du Beitar constituent une minorité violente et raciste qui ne représente pas l’ensemble de la population israélienne.
Cependant, ce point de vue ne prend pas en compte le fait que, en raison du racisme manifeste des partisans du Beitar, le reste de la population sioniste peut continuer à bénéficier de l’occupation coloniale sans se sentir coupable.
Cela implique que tous les colons bénéficient, directement ou indirectement, de l’occupation coloniale. En d’autres termes, quelle que soit la distinction entre les prétendus ultras et les progressistes, tous tirent profit de l’occupation coloniale et de la brutalité infligée aux Palestiniens.
D’un point de vue critique, établir une division entre les « ultras extrémistes » et le progressisme sioniste sert à dissimuler la réalité politique et épistémique du projet colonial sioniste en Palestine.
L’objectif principal du colonialisme de peuplement n’est pas l’esclavage ou l’exploitation de la population autochtone mais plutôt l’accès à son territoire.
Cet accès au territoire palestinien n’est pas un projet exclusivement ultra ou d’extrême droite, comme le suggère la perspective libérale. En fait, la conquête de la Palestine trouve ses racines dans la politique de groupes de gauche comme Matzpen, qui considéraient le sionisme comme un projet impérial.
À cet égard, il est crucial de rappeler que le sociologue Baruch Kimmerling a souligné la centralité du mouvement ouvrier sioniste dans le projet de colonisation.
Le sionisme « progressiste » contemporain a ses racines dans ce qu’on appelle le sionisme ouvrier, considéré comme la branche de gauche et socialiste du mouvement sioniste qui a émergé il y a plus d’un siècle et a joué un rôle central dans la formation de l’entité sioniste.
Depuis la création de cette entité illégitime, le sionisme progressiste s’est manifesté dans les politiques des régimes successifs considérés comme de gauche, ainsi que dans les missions d’autres organisations, groupes de pression, partis politiques et réseaux et institutions universitaires.
Ce sionisme dit « progressiste » a connu une hégémonie idéologique pendant de nombreuses décennies après 1948.
Cependant, du point de vue de ses victimes, les Palestiniens, la distinction entre sionisme « progressiste » et « conservateur » n’est qu’une question interne qui ne modifie en rien la situation coloniale à laquelle ils sont confrontés quotidiennement.
Ce sionisme « progressiste » fait également partie du colonialisme de peuplement et, en tant que tel, partage la responsabilité de la Nakba de 1948 et de la guerre en cours à Gaza, contribuant ainsi aux souffrances du peuple palestinien.
D'un point de vue politico-historique, les fondements de cette forme de sionisme peuvent être résumés en quatre points :
- La création de l'entité sioniste était considérée comme la seule méthode pour assurer la sécurité des Juifs et résoudre l'exil juif.
- On croyait que les Juifs avaient des revendications inhérentes, bibliques et souveraines sur la terre de Palestine.
- Le projet sioniste a été décrit comme une entreprise héroïque et miraculeuse qui a porté le flambeau de la modernisation et de la civilisation à l'entité.
- La soi-disant « guerre d'indépendance » de 1948 a été considérée comme nécessaire, et les résultats de la guerre, à savoir l'expulsion de plus de 750 000 Palestiniens de leurs terres et de leurs foyers et la destruction de la Palestine, ont été considérés comme naturels et devaient être acceptés.
Le projet de colonisation sioniste unit à la fois ceux considérés comme « conservateurs » et « progressistes », soulignant que les prétendues différences entre eux ne sont que des différends qui ne mettent pas en péril ni ne remettent en question la survie de l’État colonial sioniste.
En d’autres termes, même s’il peut y avoir des différences de discours entre les membres des deux groupes, on se retrouve dans la notion d’air de famille de Wittgenstein.
Autrement dit, malgré des différences notables, tout le monde relève du même discours. Les accords et les désaccords au sein de ce groupe diversifié sont exprimés dans le même langage : celui du colonialisme.
On peut donc conclure que le racisme et l’islamophobie du Beitar ne peuvent être classés comme opinions marginales ou minoritaires. Les membres de La Familia remplissent une fonction politique claire : permettre et faciliter la violence coloniale tout en renforçant les fantasmes sionistes « progressistes ».
Xavier Villar est docteur en études islamiques et chercheur basé en Espagne.
(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)