TV
Infos   /   Afrique   /   Zoom Afrique   /   L’INFO EN CONTINU

Zoom Afrique du 12 décembre 2023

Zoom Afrique du 12 décembre 2023

Les titres de la rédaction :

  • Royal Air Maroc réussit un vol intra-africain avec du carburant neutre, une première pour l’aviation commerciale africaine
  • Burkina Faso : le radiodiffuseur public lance une chaîne dédiée aux langues nationales
  • Lancement d’un nouveau projet de 146 milliards FCFA au profit de 356 000 ménages pauvres au Cameroun
  • La CEDEAO désigne Faure Gnassingbé pour « engager le dialogue » avec les autorités du Niger

Les analyses de la rédaction :

1. Pourquoi la transition énergétique est-elle perçue comme un agenda occidental en Afrique ? 

Climatoscepticisme, pauvreté énergétique ou question de souveraineté, les africains, dans leur majorité, sont réticents à l’idée d’une transition énergétique qui les empêcherait d’exploiter comme ils l’entendent « leurs » ressources fossiles pour se développer, comme d’autres l’ont fait dans le passé et continuent de le faire. 

À l’image du ministre sud-soudanais du Pétrole qui a déclaré récemment que l’Afrique est en train d’opérer une transition « à partir de rien » et que le continent a besoin d’une énergie fiable d’où qu’elle vienne, plusieurs voix s’élèvent au plus haut sommet de la sphère politique africaine pour dénoncer une « transition à marche forcée ». 

Depuis 1751 et la révolution industrielle, le monde aurait émis plus de 1,5 trillion de tonnes de CO2. Les émissions africaines représentent environ 3 % de ce total, soient 43 milliards de tonnes sur plus de 260 années. Si nous enlevons l’Afrique du Sud, l’Égypte, l’Algérie, le Nigéria et le Maroc, la contribution de l’ensemble des autres pays aux émissions de CO2 sur la même période s’élèverait à moins de 0,5 % des émissions mondiales. 

Partant du principe que les émissions à grande échelle de gaz à effet de serre symbolisent la responsabilité humaine dans le dérèglement climatique, nous pouvons facilement déduire que l’Afrique n’est en rien responsable du changement climatique. Et c’est précisément ce que savent les Africains. Ils considèrent qu’ils n’ont aucune responsabilité historique ou contemporaine, puisque les émissions sont toujours aussi faibles en pourcentage. 

Ces faibles émissions s’expliquent par le fait que le continent ne représente qu’une petite part de la consommation mondiale des énergies fossiles. En 2021, l’Afrique a représenté seulement 4,2 % de la consommation mondiale du pétrole, 4,1 % de la consommation mondiale de gaz naturel et 2,6 % de la consommation mondiale du charbon. 

Selon un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie et de la Banque Mondiale, environ 567 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’avaient pas accès à l’électricité en 2021, ce qui représente plus de 80 % de la population mondiale dépourvue d’accès. Le rapport indique également que le manque d’accès dans la Région est resté presque identique à la situation observée en 2010, alors qu’au cours de la même période plus d’un milliard de personnes ont eu accès à l’électricité à travers le monde. 

Cette situation constitue indéniablement un frein pour le développement économique des pays, à l’image d’une nation comme le Nigéria, où environ 90 millions de personnes n’ont pas accès à l’électricité et qui n’arrive toujours pas a pleinement exploité son potentiel démographique faute d’énergie. 

Dans ce contexte, dire à l’Afrique qui détient environ 8 % des réserves de pétrole et un peu moins de 9 % des réserves de gaz naturel qu’il faut se passer de ses ressources peut légitiment provoquer un sentiment d’injustice. Surtout quand les Africains constatent que les « donneurs de leçons » ont récemment augmenté leur demande en énergie fossile quand ils ont été confrontés à une crise énergétique. 

On a beau rappeler dans les forums et les différents rapports que l’Afrique a un extraordinaire potentiel renouvelable pour assurer sa transition énergétique, le financement pour développer ce potentiel n’est toujours pas à la hauteur. 

La somme cumulée des investissements dans les énergies renouvelables en Afrique au cours des deux dernières décennies ne représente que 2 % du financement mondial. Les investissements dans les énergies propres en Afrique restent également concentrés sur quelques marchés clés. 

Par ailleurs, quand les investissements arrivent enfin, c’est souvent pour financer des projets d’énergies renouvelables destinés à l’exportation vers d’autres marchés non africains, à l’image de l’hydrogène vert. 

Toutes ces raisons expliquent un peu la position de plus en plus assumée qui consiste à dire non à une transition imposée pour satisfaire un agenda qui n’est celui de l’Afrique et qui ne prend pas en considération les réalités du continent. 

2. Mali: adieu à la MINUSMA ! 

La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali, Minusma, a définitivement quitté la capitale malienne Bamako, lundi 11 décembre, après dix ans de présence dans ce pays. 

Une cérémonie officielle a eu lieu, à cette occasion, dans son quartier général près de l’aéroport international Modibo-Keïta de Bamako, au cours de laquelle son drapeau a été descendu. 

Pour rappel, la Minusma fut créée par la décision 2100 du Conseil de sécurité de l’ONU en date du 25 avril 2013, dans le but de stabiliser le pays qui faisait face à des défis sécuritaires majeurs. 

« La MINUSMA a procédé vendredi à la fermeture de son camp à Sévaré, dans la région de Mopti, marquant ainsi la fin de sa présence dans les régions centrales du Mali », a précisé le porte-parole de l’ONU dans une note. 

Cette fermeture, qui intervient après la clôture des bases d’Ogossagou et de Douentza, également dans le centre du Mali, s’inscrit dans le cadre de la deuxième phase du processus de retrait de la Mission, a-t-il précisé, notant que les derniers personnels de la Mission, tant civils que militaires, encore présents sur place ont quitté le camp de Sévaré samedi après-midi. 

Le porte-parole a ajouté que des documents portant sur l’état du camp ont été signés par le gouverneur de la région de Mopti et le chef par intérim du bureau régional de la MINUSMA. 

Suite aux pressions de la part de la population et du gouvernement malien, la Mission a dû mettre en œuvre, depuis le 1er juillet dernier, un plan visant à effectuer un retrait sûr et ordonné d’ici au 31 décembre 2023 en étroite consultation avec le gouvernement de transition malien et en coordination avec les pays fournisseurs de contingents ou de personnel de police, suivi d’un processus de liquidation à partir du 1er janvier 2024. 

La population estime que la présence de la Minusma a été un échec total au Mali et qu’elle était loin de remplir sa mission initiale. 

3. AES: le Sahel à la place du FCFA

La création du Sahel, une nouvelle monnaie destinée à contrer le CFA, revêt une importance cruciale en termes de souveraineté économique. La monnaie, conjuguée à une bonne gouvernance, représente un pilier de la richesse nationale. 

Pour de nombreux pays africains utilisant le Franc CFA, cela équivaut à une forme d’asservissement, où la France exerce une influence prépondérante. L’acquisition de biens, d’outils et d’équipements industriels est entravée par le pouvoir de veto français, dictant avec qui coopérer. Cette réalité contribue à la situation actuelle en Afrique.  

Cependant, la Françafrique montre des signes de fragilité. Les récents développements en Afrique de l’Ouest témoignent de cette évolution, avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger prenant l’initiative historique de rétablir leur souveraineté monétaire en créant une monnaie commune baptisée « le Sahel ». Cette décision, ancrée dans la charte du Liptako-Gourma signée mi-septembre, va au-delà de la coopération contre l’insécurité, incluant la mise en place d’une banque d’investissement et la réalisation de projets communs.   

Les gouvernements militaires du Mali et du Niger ont, par ailleurs, fait savoir qu’ils envisageaient de résilier, dans les trois prochains mois, leurs accords fiscaux conclus il y a plusieurs décennies avec la France. Dans un communiqué conjoint, les autorités au pouvoir des deux pays ont expliqué leur décision en raison de « l’attitude hostile persistante de la France » envers leurs nations et du « caractère déséquilibré de ces accords, entraînant une perte financière significative pour le Mali et le Niger »  

La signature de la charte du Liptako-Gourma à la mi-septembre permet à ces trois États du Sahel, non seulement de faire front commun contre l’insécurité et les conflits liés à des groupes armés terroristes, mais aussi de renforcer la coopération économique. Cette coopération comprend la création d’une banque d’investissement et d’une monnaie commune, le Sahel, visant à se libérer du Franc CFA.  

L’Alliance des États du Sahel vise également à renforcer la sécurité des approvisionnements et à accélérer des projets énergétiques, agricoles et hydrauliques communs.  

La nouvelle monnaie, le Sahel, symbolise l’engagement des trois pays à rompre avec le Franc CFA. Cette modernisation, critiquant depuis longtemps la période coloniale pour son manque d’indépendance économique, pourrait être évaluée à 1,52 € lors de son lancement, par rapport au Franc CFA valant environ 0,010 15 €.  

Au-delà de la question monétaire, la coalition envisage également la création d’une Confédération, voire d’une fédération à trois, exprimant ainsi la volonté de ces pays de renforcer leur souveraineté économique et de se libérer des liens économiques coloniaux. Ils peuvent y parvenir en exploitant leurs propres ressources naturelles, comme les raffineries d’or au Mali et au Burkina Faso, ainsi que les ressources pétrolières au Niger. Le soutien de la Russie, de la Chine et de l’Inde à cette initiative renforce la crédibilité du Sahel en tant que monnaie stable.  

La transformation est également marquée par le fait que la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), qui gérait précédemment le Franc CFA, n’est pas affiliée à la Banque des règlements internationaux (BRI). Cette indépendance permet aux pays de la coalition Liptako-Gourma de traiter directement avec des partenaires internationaux, remettant potentiellement en question la dynamique économique de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).  

Le Togo a déjà exprimé son intention de rejoindre la coalition Liptako-Gourma, et d’autres pays pourraient suivre. La dénomination du Sahel en référence à la région élargit son attrait à d’autres pays, renforçant son influence et son potentiel économique. En fin de compte, le Sahel représente bien plus qu’un simple changement de devise, il incarne la lutte de l’Afrique pour l’indépendance économique et la reprise en main de son destin par le Mali, le Burkina Faso et le Niger. 

Partager Cet Article
SOURCE: FRENCH PRESS TV