Par Ghorban-Ali Khodabandeh
La France est sans doute l’un des pays qui, parmi les grandes démocraties occidentales, ont nié avec le plus de constance et d’abnégation une réalité que même ses négateurs connaissent, celle de la violence policière et du racisme systématique. En réalité, en France comme aux États-Unis mais aussi en Israël, la violence policière fait partie du système : c’est un racisme d’État hérité d’une histoire coloniale et d’une occupation belliciste, qui repose sur une pratique de la violence policière qui touche principalement les catégories sociales issues des populations immigrées en France et aux États-Unis et les Palestiniens chez l’entité d’occupation.
De nombreuses études, nationales et internationales, ont documenté ces pratiques illégales. L’État français a été condamné à plusieurs reprises, singulièrement pour les brutalités qui sont l’une des composantes des discriminations par la police. Elles empoisonnent non seulement le quotidien de très nombreuses personnes en France mais aussi les relations entre la population et les forces de l’ordre.
Ces pratiques sont non seulement illégales au regard du droit français et du droit international relatif aux droits humains, mais elles sont surtout violentes, humiliantes, dégradantes et elles créent, notamment chez ceux qui les subissent, le sentiment de n’être pas des citoyens de seconde zone.
Le rapprochement avec les violences israéliennes ne date pas d’hier. En France comme dans les territoires palestiniens occupés, les policiers et les militaires, de par leur intervention violente et répressive, donnent l’impression de partir en guerre lors de leurs missions.
Usage disproportionné de la force : la France dans le collimateur
La France a connu de graves troubles ces derniers mois après que la police a tué un jeune Français de 17 ans d'origine nord-africaine lors d'un contrôle routier. Cet incident a relancé le débat sur les violences policières et la discrimination dans le pays. Depuis les manifestations contre la réforme des retraites et récemment les protestations ayant suivi la mort de Nahel, la France et sa police ont été à plusieurs reprises critiquées pour un « recours excessif à la force ».
Un comité d'experts de l'ONU a lourdement critiqué la gestion par les forces de l'ordre des troubles qui ont secoué la France. Le 7 juillet, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (Cerd) adopte en urgence une déclaration dénonçant « l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre » en France et demandant à Paris d’adopter une législation qui « interdise le profilage racial ».
Le Cerd s’est dit profondément préoccupé par « la pratique persistante du profilage racial combinée à l'usage excessif de la force dans l'application de la loi, en particulier par la police, contre les membres de groupes minoritaires, notamment les personnes d'origine africaine et arabe »
En France, les violences policières sont régulièrement sous le feu des projecteurs. Les observateurs s’alarment notamment face au nombre de morts, de mutilations et de blessures causées par la police française, par comparaison aux autres pays d’Europe occidentale. La doctrine du maintien de l’ordre à la française lors des manifestations est régulièrement critiquée. Ces dernières années, l’usage d’armes sub-létales de type flash-ball et d’armes à feu par les policiers, notamment lors des refus d’obtempérer liés à des contrôles routiers, a fait également polémique.
L’ONU avait déjà tiré la sonnette d’alarme en 2019, pendant les manifestations des « Gilets jaunes », au cours desquelles la répression était également très inquiétante.
Le 24 mars 2023, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’alarme d’un «usage excessif de la force» par les agents de l’État envers les manifestants opposés à la réforme des retraites.
Pour de nombreux observateurs, il est grand temps que la France change de cap dans la question récurrente des violences policières. Ils estiment en effet que dans l’Hexagone, les forces de sécurité protègent d’abord l’État et non ses citoyens.
Des violences policières inscrites dans l’histoire coloniale
En France, alors que les polémiques se multiplient autour du rôle de la police, on oublie souvent les racines historiques de la violence d’État.
Les guerres menées par les États occidentaux contre des populations civiles du Sud ont ensuite régulièrement et profondément influencé la transformation des pouvoirs policiers. Au travers des guerres coloniales françaises et britanniques en Asie et en Afrique, des techniques militaires classiques ont été articulées, avec des pratiques punitives ciblant les civils : chasse et capture, pillage et saccage des biens et des territoires, coercition, mutilation, humiliation et mise à mort. Ces continuités structurent les esprits et les techniques de la police des cités qui prennent forme en France dans les années 1970 et 1980.
Ainsi, l’impérialisme français a conjugué à l’intérieur du territoire national des pratiques de discrimination et de ségrégation socio-raciales héritées de la période coloniale. Il s’agit de mener une forme de guerre policière contre l’ensemble d’une population jugée indésirable parce qu’elle serait au milieu de prolifération d’une menace intérieure contre la société.
On l’observe encore dans l’appel du syndicat France Police en mai 2021 à constituer des check-points dans les quartiers populaires, sur le modèle israélien de séparation mis en place avec les territoires palestiniens.
Les pratiques violentes de l’entité israélienne s’inscrivent dans le prolongement d’une occupation belliqueuse.
Les pratiques agressives et oppressives et le traitement brutal infligé par l’armée israélienne aux Palestiniens, que ce soit dans la bande de Gaza ou en Cisjordanie, s’inscrivent dans le prolongement d’une occupation belliqueuse.
Depuis le 7 octobre dernier, l'armée israélienne mène une opération militaire meurtrière contre Gaza, ciblant tout ce qui a trait au peuple palestinien, y compris les monuments historiques, la culture et l'identité, bombardant aussi ses infrastructures vitales, comme notamment les hôpitaux et les écoles qui abritent des milliers de personnes déplacées, les mosquées et les sièges du gouvernement. Les frappes israéliennes ont rasé des quartiers résidentiels entiers et pris pour cible des milliers de maisons.
Les sources palestiniennes ont déploré un bilan encore plus lourd des tués palestiniens dans la guerre israélienne contre la bande de Gaza qui se poursuit depuis le 7 octobre dernier, faisant état de 14 854 tués dont plus de 6 150 enfants et plus de 4 000 femmes.
Les organisations de défense des droits de l’homme et même des représentants au Parlement européen ont qualifié les actions d'Israël dans la bande de Gaza de « violation du droit international », de « génocide » et de « nettoyage ethnique ».
Quoi qu’il en soit, les déclarations publiques des dirigeants politiques et des commandants militaires israéliens indiquent que la stratégie actuelle de répression sévère s’inscrit dans le cadre d’une occupation belliciste et d’un système d’apartheid.
Il y a près de vingt ans, une enquête publique menée par une commission judiciaire a conclu que l’armée israélienne traitait les citoyens palestiniens comme « l’ennemi ». Rien n’a changé depuis, en effet dans la société israélienne, tout suit cette logique d’apartheid et la population israélienne approuve dans son ensemble cette violence systématique contre les Palestiniens. Autrement dit, la plupart des juifs israéliens sont heureux de réaffirmer le statu quo : opprimer tous les Palestiniens vivant sous l’occupation sioniste, qu’ils soient les cibles d’une occupation belliqueuse ou des citoyens de troisième classe du prétendu État juif, tous comme les citoyens français d’origine africaine victimes d’une violence policière disproportionnée, une violence que rien n’excuse.
Ghorban-Ali Khodabandeh est un journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.