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Les analyses de la rédaction :
1. RDC: la force EAC quitte le pays
Réclamé à cor et à cri, le départ de la force Est-Africaine de la République démocratique du Congo (RDC) a été acté le 3 décembre 2023. En effet, un premier groupe d’une centaine de soldats kényans de ladite force a quitté Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu à destination de Nairobi. Même si, pour l’instant, il n’y a pas un calendrier précis, le retrait de la force régionale Est-Africaine doit se poursuivre dans les heures ou jours à venir d’autant que son mandat qui n’a pas été renouvelé, prend officiellement fin le 8 décembre prochain. Le départ des soldats de la Communauté d’Afrique de l’Est de la RDC, intervient non seulement au moment où les combats continuent d’opposer le M23 aux forces armées congolaises soutenues par des groupes de miliciens se présentant comme des patriotes, mais aussi en pleine campagne électorale en vue de la présidentielle du 20 décembre prochain. Face à l’insécurité grandissante sur fond d’incursions meurtrières de groupes armés, le président Félix Tshisekédi avait lui-même reconnu que les élections n’auraient pas lieu dans certaines localités à forts défis sécuritaires, notamment dans le Rutshuru et le Masisi. Maintenant que jugée inefficace, la force de l’EAC est en train de faire son paquetage, que va-t-il se passer ? Les forces armées congolaises pourront-elles faire face aux rebelles du M23 dont on dit qu’ils bénéficient du soutien du Rwanda ?
Le président Tshisékedi mise sur le déploiement des contingents de la Communauté d’Afrique australe (SADC) dont les contours tardent encore malheureusement à dessiner alors même qu’elle est dans les tuyaux depuis le mois de mai dernier. En plus, sur le terrain, ont été déployés et ce, depuis près d’un an, d’anciens militaires européens répartis dans deux sociétés privées, que les autorités congolaises présentent comme des « instructeurs ». En tout cas, Kinshasa doit s’assumer pleinement. Elle devra tout faire pour que les Congolais ne regrettent pas le départ de la force Est-Africaine qui, même s’il est vrai qu’elle n’est pas exempte de tout reproche, a pu empêcher la prise de Goma par les rebelles du M23 qui se trouvaient à une vingtaine de kilomètres seulement. Cela dit, après la force régionale, on attend maintenant le début du retrait des soldats de la MONUSCO qui, eux aussi, sont accusés d’inertie aussi bien par les populations que par les autorités congolaises qui leur demandent de débarrasser le plancher. Conformément à l’accord signé entre Kinshasa et les Nations unies, le début du retrait des Casques bleus de la RDC, est prévu, pour ce mois de décembre 2023.
2. Le deux poids deux mesures de Paris est exaspérant
En marge de la cop 28, qui se tient à Dubaï, Emmanuel Macron a échangé avec Brice Clotaire Oligui Nguema, l’homme qui a chassé Ali Bongo Odimba du pouvoir au Gabon. Le président français s’est fièrement affiché avec le putschiste gabonais. Les deux hommes ont parlé d’initiatives globales pour la protection des écosystèmes fragiles et la promotion des politiques environnementales durables.
La rencontre n’a pas échappé au capitaine Ibrahim Traoré. En effet, l’homme qui dirige le Burkina Faso après avoir renversé le putschiste Paul-Henri Sandaogo Damiba, voit d’un mauvais œil la rencontre entre Emmanuel Macron et l’actuel dirigeant gabonais. « Telle a toujours été la France. Insulter l’intelligence des Africains. Elle condamne et célèbre des putchistes en fonction de ses intérêts. Comment des Africains peuvent encore cautionner cela malgré toutes les preuves ? », s’est interrogé le président burkinabè dans un tweet.
Il faut dire que dès le coup d’État au Gabon, l’Elysée avait immédiatement condamné le putsch avant de revoir sa position. Cependant, elle a une position radicale face au Mali, au Burkina Faso et au Niger au point même d’approuver des interventions militaires pour ce dernier.
Par ailleurs, le Niger et le Burkina Faso ont conjointement annoncé leur retrait du G5 Sahel dans un communiqué publié le jeudi 2 novembre 2023. Ces deux pays affirment que l’organisation militaire fondée en 2014 « ne saurait servir les intérêts étrangers au détriment de ceux des peuples du Sahel ».
3. L’AES brise le G5 et signe le prélude d’une confédération
La messe est définitivement dite pour l’entité créée sous l’instigation de la France en février 2014 pour en faire sa succursale politique au Sahel, avec le retrait sans surprise du Burkina Faso et du Niger de cette organisation dénommée « ’G5 Sahel »’.
Composé au départ de cinq pays avec pour objectif principal de faire face à des défis sécuritaires communs dans le Liptako-Gourma notamment, cette entité est aujourd’hui réduite de facto à sa portion congrue, puisqu’il ne reste que la Mauritanie et le Tchad comme membres, après la défection du Mali en mai 2022 et le départ concomitant du « ’pays des Hommes intègres »’ et de son voisin nigérien annoncé le 2 décembre dernier. Les trois pays de la ligne de front justifient leur sortie par la lourdeur qui caractérise cette coquille pourtant vide, son manque d’action et d’efficacité dans la lutte contre le terrorisme, mais aussi et surtout par l’intrusion de la France au nom d’un « ’partenariat dévoyé et infantilisant »’ qui remet en cause les aspirations légitimes des trois États à la souveraineté dans la prise en main de leur destin. Il n’en fallait pas plus pour que le Mali, le Burkina et le Niger quittent ce regroupement et sa force dite anti-terroriste qui avaient tous les deux pour buts d’isoler et de neutraliser les groupes armés terroristes qui exploitent la porosité des frontières pour mener des attaques coordonnées dans la bande sahélo-saharienne.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que les autorités de ces trois pays ne sont pas dans le faux et leur décision de s’en retirer n’est pas si insensée que cela, au regard du constat d’échec que toutes les personnes de bonne foi ont été amenées à faire, après neuf ans d’existence moribonde et de louvoiement du G5 Sahel. Comment ne pas arriver à cette conclusion quand on sait que les Hani et les Gat, deux acronymes différents pour désigner une même calamité, continuaient de plastronner dans la région dite des trois frontières, au moment où les forces françaises étaient stationnées à quelques encablures de là ? Tout cela a suscité des interrogations sur le lien abject qui pourrait exister entre la France et les terroristes que cette dernière était pourtant censée combattre, et a contribué à nourrir le sentiment anti-politique française en vogue dans de nombreux pays de la région. Conséquence : elle a été chassée de cette zone toujours en ébullition, pour insuffisance de résultats sur le plan sécuritaire, mais aussi pour paternalisme rampant et sournois du point de vue diplomatique. Pour autant, la France n’est pas la seule à porter le chapeau dans la mort programmée pour ne pas dire actée du G5 Sahel, puisque les États-Unis et l’Union européenne pressentis pour financer l’institution ont, pour ainsi dire, fait faux bond, soit pour des raisons de politique intérieure, soit par manque de lisibilité dans la conduite des opérations ou dans la traçabilité des financements sollicités à cet effet. Avec tous ces handicaps à la naissance, le G5 Sahel ne pouvait que mourir de sa belle mort, entre les mains de ceux qui, a priori, ne sont pas dans l’épicentre de la crise sécuritaire, les Tchadiens, les Mauritaniens et les parrains Français notamment. Et comme la nature a horreur du vide et pour être en phase avec leurs orientations politiques ou stratégiques, les dirigeants du Burkina Faso, du Mali et du Niger ont créé le 16 septembre dernier, l’Alliance des États du Sahel (AES), pour, entre autres objectifs, centrer la lutte anti-terroriste sur le Liptako-Gourma et assurer la protection des populations à travers une « ’architecture de défense collective et d’assistance mutuelle »’. L’AES pourra réussir le pari de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, contrairement au G5 qui, rappelons-le, y a piteusement échoué malgré la présence massive de militaires occidentaux dans la région.
Le Burkina Faso et le Niger justifient donc leur retrait du G5 Sahel par son inefficacité : dans leur déclaration, les deux pays expliquent que « l’organisation peine à atteindre ses objectifs » et est minée par « des lourdeurs institutionnelles, des pesanteurs d’un autre âge ». Les opérations conjointes de cette force sont en effet restées peu nombreuses depuis 2014, alors que les accusations de bavures se sont multipliées.
Au-delà des critiques sur son fonctionnement, le Burkina Faso et le Niger pointent aussi du doigt les soutiens européens de l’alliance. Le communiqué précise qu’ils ne souhaitent pas « servir les intérêts étrangers au détriment de ceux des peuples du Sahel, [et] encore moins accepter le diktat de quelque puissance que ce soit au nom d’un partenariat dévoyé et infantilisant ». À son retrait en 2022, le Mali avait également dénoncé une organisation « instrumentalisée par l’extérieur ».
L’Alliance des États du Sahel affiche déjà une grande volonté politique pour sécuriser, stabiliser et développer la région. De plus, l’engouement des populations est aussi présent, et si l’élan n’est pas stoppé ou contrarié par des contingences extérieures, il y a de fortes chances que cette Alliance ait des résultats probants sur le plan sécuritaire mais aussi économique. Car cette alliance fait du développement dans les trois pays, son cheval de bataille. Si tout se passe comme prévu, les terroristes seront, dans les mois à venir, à l’étroit dans cet espace, et les potentiels rebelles réfléchiront par deux fois avant de s’afficher comme tels. Car l’article 6 de la charte de l’AES stipule que toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’une, des parties contractantes, sera considérée comme une agression contre les autres. Les objectifs du nouveau-né sont tellement nobles et les ambitions tellement grandes qu’il n’est pas exclu que d’autres pays viennent agrandir ce petit cercle et lui faire pousser des ailes, afin d’atteindre l’objectif global qui est le décollage de toute la sous-région sur tous les plans.