TV

Conflit israélo-palestinien : Macron rompt avec la diplomatie française

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se serrent la main lors d'une conférence de presse conjointe à l'Elysée à Paris, le 5 juin 2018.©Reuters

Par Ghorban-Ali Khodabandeh

Le président français Emmanuel Macron a pris une position inhabituellement ferme en soutien à Israël, marquant un revirement significatif par rapport à la diplomatie française traditionnelle envers le conflit israélo-palestinien.

« J’ai parlé au président Herzog et au Premier ministre Netanyahu. Je condamne les attaques menées depuis Gaza sur Israël, ses soldats et son peuple », a déclaré le président Macron dans un tweet officiel.

Cette position de soutien marquée contraste avec la politique étrangère française précédente, qui était souvent caractérisée par une approche plus neutre et moins impliquée dans le conflit israélo-palestinien. Sous les dirigeants français précédents, tels que le général de Gaulle et Jacques Chirac, la France avait tendance à adopter une position plus équilibrée, cherchant à jouer un rôle de médiateur entre les parties en conflit.

Ce changement de ton de la part de la France survient à un moment où le pays connaît des crises diplomatiques avec plusieurs pays africains et arabes.

Les tensions persistent dans la région, et de nombreux acteurs internationaux cherchent à jouer un rôle de médiation pour éviter une escalade encore plus dangereuse.

Il reste à voir comment cette nouvelle position de la France envers le conflit israélo-palestinien pourrait affecter ses relations diplomatiques avec d’autres pays de la région et au-delà.

La France insoumise assume son désaccord avec le gouvernement Macron

La France insoumise estime dans un communiqué du 7 octobre que «l'offensive armée des forces palestiniennes menée par le Hamas intervient dans un contexte d'intensification de la politique d'occupation israélienne à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est». Pour sa part, le dirigeant du parti, Jean-Luc Mélenchon, juge que «toute la violence déchaînée contre Israël et à Gaza ne prouve qu'une chose : la violence ne produit et ne reproduit qu'elle-même».  Et de conclure : « La solution existe, celle des deux États, conformément aux résolutions de l’ONU ».

Plusieurs députés insoumis sont allés encore plus loin. De son côté, le député LFI Louis Boyard, réagissant à la condamnation des attaques par Emmanuel Macron, a jugé que depuis «trop longtemps la France ferme les yeux sur la colonisation et les exactions en Palestine.»

Le coordinateur de La France insoumise (LFI) Manuel Bompard « assume » le désaccord de son mouvement avec la « diplomatie française ». Il déplore que celle-ci n'ait pas utilisé les mots « paix » et « cessez-le-feu » dans ses communiqués, et juge qu'elle se situe en « rupture totale avec la position traditionnelle de la France sur le conflit israélo-palestinien depuis le général de Gaulle, en passant par Jacques Chirac. Il estime aussi que « la position de la France ne peut pas être alignée sur celle du gouvernement de l’extrême droite israélienne ».

La Première ministre Élisabeth Borne a dénoncé la prise de position du parti de Jean-Luc Mélenchon sur le conflit israélo-palestinien. Devant des militants Renaissance rassemblés à Bordeaux, dimanche 8 octobre, Élisabeth Borne a dénoncé des « ambiguïtés révoltantes » dans les propos de responsables politiques de La France insoumise, suite à l’attaque du Hamas contre Israël. « Je pense que les positions de La France insoumise sont bien connues, avec beaucoup d’ambiguïté », a précisé la Première ministre.

« Madame Borne profite de la guerre au Moyen-Orient pour mener sa guerre contre LFI », a protesté Jean-Luc Mélenchon, sur la plateforme X. « L’approbation du massacre en cours déshonore Madame Borne. La France ne parle pas comme ça! », a conclu le leader de la France Insoumise, dans une référence apparente aux agressions israéliennes, avant d’accuser la Première ministre de « ralliement » à "un point de vue étranger".

Ce n’est pas la première fois que les questions relatives à Israël provoquent des remous au sein de la gauche française. Cela avait par exemple été le cas lorsque LFI et les communistes avaient soutenu une résolution — rejetée par l’Assemblée nationale — dénonçant « le régime d’apartheid » dont Israël se rendrait coupable et appelant au boycott de l’entité israélienne.

La France s’aligne sur les positions américaines

En réalité, ce sont deux façons d’aborder la question du conflit israélo-palestinien qui s’affrontent. Pour l’exécutif français, la droite et l’extrême droite, l’évocation de la seule « sécurité de la démocratie Israélienne » déconnectée de son contexte (l’occupation, la colonisation des territoires palestiniens, la contestation au sein de la société israélienne du gouvernement d’extrême droite de Netanyahu) correspond à un alignement sur les positions états-uniennes. Cette vision s’inscrit en totale contradiction avec la diplomatie traditionnelle française sur le conflit-israélo-palestinien.

Quatre jours après l'attaque du Hamas contre Israël, et malgré la violence de la réponse israélienne sur Gaza, les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, insistent sur le droit de Tel-Aviv à se protéger face aux attaques qu’ils qualifient de « terroristes ».

Le président américain Joe Biden et les dirigeants des pays alliés, le Royaume-Uni, la France, l'Italie et l'Allemagne, ont fait une déclaration commune exprimant à nouveau leur soutien à Israël et une « condamnation sans équivoque » du Hamas et de son opération anti-israélienne.

Dans un communiqué commun, les cinq dirigeants occidentaux ont indiqué qu’ils allaient « rester unis et coordonnés » pour garantir qu’Israël soit « en mesure de se défendre » et pour « instaurer les conditions d’un Moyen-Orient pacifique et intégré ». « Nos pays soutiennent Israël dans ses efforts pour se défendre et défendre son peuple contre ces atrocités », déclarent Joe Biden, Emmanuel Macron, Olaf Scholz, Rishi Sunak et Giorgia Meloni.

Après la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien agit comme un nouveau révélateur des fractures diplomatiques mondiales. Le déclenchement de l’opération « Tempête d’Al-Aqsa » et la riposte israélienne mettent à nu ces divisions, trente ans après la signature des accords d’Oslo, rejetés par les Palestiniens.

Dimanche 8 octobre, lors de la réunion en urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, présidée actuellement par le Brésil, et qui compte quinze membres (dont les cinq permanents), aucun pays n’a souhaité établir une déclaration commune, et plusieurs n’ont pas voulu condamner inconditionnellement l’attaque menée par le Hamas malgré l’appel des États-Unis à fustiger l’opération anti-israélienne.

L’hypocrisie de la France et des pays occidentaux

Dès le début de l’opération du Hamas contre Israël, samedi 7 octobre, les dirigeants de l’Occident ont pris position ouvertement pour Israël, condamnant fermement et sans ambiguïté ce qu’ils qualifient d’« acte terroriste » commis contre des civils.

Or, le déferlement de compassion pour Israël devrait écœurer toute personne dotée d’un minimum de cœur. En effet, les civils palestiniens à Gaza ont subi carnage après carnage de la part d’Israël, décennie après décennie, engendrant bien plus de souffrances, mais n’ont jamais suscité une fraction de l’inquiétude exprimée actuellement par les politiciens en Occident.

L’hypocrisie de l’Occident en l’occurrence la France vis-à-vis des combattants palestiniens qui ont légitimement réagi aux crimes israéliens des plus atroces est particulièrement forte.

Personne ne s’est vraiment soucié des Palestiniens de Gaza soumis à un blocus imposé par Israël qui les prive des essentiels de la vie. Une centaine d’Israéliens capturés par des combattants du Hamas font pâle figure par rapport aux deux millions de Palestiniens retenus en otage par Israël dans une prison à ciel ouvert depuis près de vingt ans.

Personne ne s’est vraiment soucié d’apprendre que les Palestiniens de Gaza avaient été soumis à un « régime de la faim » par Israël : seule une quantité limitée de nourriture pouvait rentrer dans l’enclave, calculée pour nourrir à peine la population.

Le fait que les Occidentaux se soucient maintenant de la mort de civils israéliens aux mains de combattants palestiniens est dur à avaler. Plusieurs centaines d’enfants palestiniens ne sont-ils pas morts ces quinze dernières années lors des campagnes de bombardements répétées d’Israël sur Gaza ? Leur vie ne comptait-elle pas autant que les vies israéliennes – si non, pourquoi ?

Après une telle indifférence pendant si longtemps, il est difficile d’entendre l’horreur soudaine exprimée par les gouvernements et médias occidentaux parce que les Palestiniens ont finalement trouvé un moyen de riposter efficacement.

Le gouvernement français si horrifié par l’attaque palestinienne contre Israël est également celui qui gardait le silence quand Israël coupe l’électricité de la prison qui est Gaza – là encore en prétendues « représailles ».

Emmanuel Macron et ses pairs occidentaux peuvent continuer à justifier l’oppression des Palestiniens et leur refuser le droit de résister. Mais leur hypocrisie et leur aveuglement sont exposés à la face du monde.

Ghorban-Ali Khodabandeh est un journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)

Partager Cet Article
SOURCE: FRENCH PRESS TV