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Problèmes de sécurité: la France de Macron se militarise

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Emmanuel Macron défile sur les Champs-Élysées à Paris, le 14 mai 2017. ©AP

Par Ghorban-Ali Khodabandeh

Le président français Emmanuel Macron a déclaré lundi 2 octobre que la France connaît des problèmes de sécurité sur l'ensemble du territoire en raison du manque de personnels faisant partie des groupes de métiers destinés à assurer le maintien de l’ordre sur le sol français.

Alors qu’il s’est montré très absent lors des longs débats autour de la réforme des retraites, le locataire de l’Élysée préempte désormais tous les sujets : éducation, environnement, et tout récemment surtout, celui de la sécurité.

Emmanuel Macron a détaillé ses annonces censées résoudre les problèmes de sécurité, avec notamment les 238 nouvelles brigades de gendarmerie. Et d’emblée, le président français a lancé : « On a un problème de sécurité » partout en France, pour justifier la création de ces brigades. Il détaille que ces créations représentent 2.144 postes de gendarmes supplémentaires, sur les 8.500 créations d’effectifs de forces de l’ordre annoncées par le gouvernement d’ici la fin du quinquennat.

« Il y aura 3.500 gendarmes de plus dans les années qui viennent », a encore promis le président français. Et le recrutement de plusieurs milliers de policiers et de gendarmes devrait coûter 15 milliards d’euros, selon Emmanuel Macron.

Le ministre français de l'Intérieur Gérald Darmanin, avait précédemment déclaré que 8.500 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes seraient créés d'ici 2027 pour renforcer la lutte contre la criminalité, ajoutant que le nombre de forces de l'ordre dans les rues des villes serait doublé.

Enjeu de la sécurité : Macron se rallie au discours de la droite

Après avoir été très absent du débat public durant la réforme des retraites, le président français a repris les rênes sur la plupart des sujets en l’occurrence les problèmes de sécurité. En effet, depuis la rentrée de septembre, les prises de parole présidentielles se sont ainsi accélérées. Ce lundi 2 octobre, c’est lui qui annonçait la mise en place de 238 nouvelles brigades de gendarmerie. Le chef de l’État français s’est pourtant défendu d’accaparer les thèmes de la droite, pourtant pour de nombreux observateurs, c’est une façon de séduire les électeurs du Lot-et-Garonne.

Pour Emmanuel Macron et le camp présidentiel, l’enjeu de la sécurité est crucial, tant il est prioritaire pour les Français, et investi par le Rassemblement national (RN) depuis des années. Pour faire ses annonces, Emmanuel Macron a d’ailleurs choisi un département plutôt favorable au parti d’extrême droite, fort de deux députés sur trois dans le Lot-et-Garonne. À Clairac, là où il a enregistré son entretien avec France 3 et là où une brigade mobile verra le jour, Marine Le Pen est arrivée en tête du second tour de la dernière présidentielle avec 53 % des voix.

« À chaque fois que nos compatriotes ont le sentiment que l'efficacité n'est pas au rendez-vous, que la République n'est pas assez présente, ils peuvent effectivement se tourner vers les extrêmes », a concédé Emmanuel Macron.

À vouloir attirer les électeurs de droite, Emmanuel Macron pourrait bien faire monter le Rassemblement national au plus haut. Après l’ultralibéralisme et la casse sociale, la Macronie focalise désormais l’attention sur la sécurité et use d’un pouvoir autoritaire, facilité par les problèmes de sécurité, pour faire reculer les libertés d’information, d’opinion et de manifestation.

Militarisation de la société, réponse aux protestations à venir ?

200 nouvelles brigades de gendarmerie, inauguration d’une nouvelle caserne de gendarmerie, il n’y plus de doute, Emmanuel Macron a choisi son cheval de bataille pour cette semaine, et ce sera la sécurité. Macron n'oublie pas que la sécurité est aussi un des thèmes de réponses aux protestations à venir. Un Conseil national de la refondation consacré à la sécurité - et plus spécialement sur les troubles après la mort de Nahel, à Nanterre - aura d'ailleurs lieu jeudi 5 octobre autour d'Élisabeth Borne sur ces questions, à la veille d'un déplacement de la Première ministre à Caen, pour inaugurer une prison.

Le président français, qui a promis cet été « l'ordre, l'ordre, l'ordre » après les violences urbaines qui ont agité la France, a estimé que cette stratégie « contribuera à y répondre ». Mais l'exécutif reviendra dans les semaines qui viennent sur les « émeutes » avec d'autres réponses, notamment le 9 octobre lors du comité interministériel des villes.

Dans une société fracturée, les services de renseignement et de sécurité redoutent en effet de nouvelles violences, un risque d’embrasement que le gouvernement cherche à endiguer via une stratégie musclée.

En effet, la doctrine du maintien de l’ordre à la française est principalement répressive, et on dirait que le manifestant est vu comme un ennemi à contrôler. Dans le schéma national du maintien de l’ordre, il est écrit qu’il faut respecter le droit de manifester. Reste que l’approche est avant tout répressive et recherche comment éviter tout désordre à l’ordre public via l’usage de la force.

En France, au contraire, on a à la fois des interventions extrêmement brutales et très peu de responsabilités pour les policiers qui commettent des violences illégales.

Un autre élément distingue la police française des polices européennes : les armes. C’est la seule police qui utilise des grenades de type explosives, ainsi que des grenades de désencerclement, qui balancent des plots susceptibles de crever des yeux.

Par ailleurs, alors que les images des violences qui ont secoué la France ces derniers mois ont fait la Une jusqu’à l’étranger, la question de la sécurité des Jeux olympiques 2024 alarme les milieux politiques et sécuritaires.

Malgré la confiance affichée par les autorités, le fiasco de la finale de la Ligue des champions 2022 accueillie au Stade de France reste dans les têtes des organisateurs, et avec, la crainte d’un nouveau scandale sécuritaire.

Hausse record du budget militaire aux dépens d’autres chantiers

Les annonces de Macron correspondent à une promesse de campagne de 2022, dans laquelle l'exécutif français avait également annoncé une hausse de 15 milliards d'euros pour le budget de l'Intérieur et un doublement de la présence des forces de sécurité sur la voie publique en dix ans. Ces engagements ont été inscrits dans la loi d'orientation et de planification du ministère de l'Intérieur, qui promet cette hausse de crédits sur cinq ans (2023-2027), même si elle doit être confirmée dans les budgets de l'État débattus chaque année.

Adopté au Parlement en décembre, ce texte a pour ambition de préparer les forces de l'ordre aux évolutions des menaces, mais aussi à faire face aux besoins pour les JO-2024.

La Cour des comptes française avait déclaré en mai qu'un nombre record de policiers et de gendarmes avaient quitté leur emploi l'année dernière.

L'organisme indique que 10.840 personnes ont quitté la police française, soit 33 % de plus que l'année précédente et que 15.078 autres salariés ont quitté les rangs des gendarmes, soit 25 % de plus qu'un an plus tôt.

Selon le ministère de l'intérieur du pays, en 2022, le budget du département s'élève à plus de 21 milliards d'euros, 10 millions d'emplois ont été créés pour les policiers et les gendarmes. En 2023, le budget du ministère français de l'intérieur sera augmenté de 1,25 milliard d'euros, cette augmentation sera historique pour le ministère.

Le premier quinquennat a ainsi vu le recrutement de 10.000 policiers et gendarmes, visant notamment à conforter le dispositif de renseignement, mais plus encore pour relever le défi emblématique de « la police de sécurité du quotidien ».

Si la majorité des forces politiques s’accordent à dire que les gendarmes et les policiers sont effectivement en manque de moyens et d’effectifs, les partis de gauche souhaiteraient que la réflexion ne s’arrête pas là. Déjà, dimanche 24 septembre, Emmanuel Macron n’avait pas convaincu, ni sur l’écologie, ni sur l’inflation.

À travers ces annonces, l’entourage de Macron vante un « président des territoires » qui a « réinvesti l'engagement de l'État sur le terrain ». Une image qui avait été écornée pendant le premier quinquennat par le mouvement de protestation des Gilets jaunes, dont certains étaient encore présents lundi 2 octobre à Clairac, comme un écho de cette période, au milieu des dizaines de manifestants. Pour autant, l’omniprésence ne semble pas de nature à retisser le lien avec les Français.

 

Ghorban-Ali Khodabandeh est journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV