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Troubles en France : décryptage de la réponse du gouvernement à une crise multidimensionnelle

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Un manifestant tient une pancarte lors d'un rassemblement contre la réforme des retraites à Paris, mars 2023. ©Getty Images

Par Ghorban-Ali Khodabandeh

Les troubles se sont calmées en France : une fois les violences terminées, l’heure est aux interrogations et surtout à la réflexion. Après le bilan des interpellations et des dégradations, les questions sont nombreuses pour tenter de comprendre les racines et les raisons d’une crise à la fois sécuritaire, sociale, politique et éducative. C’est aussi l’occasion d’analyser la manière dont le gouvernement a répondu à ce mouvement de contestation sans précédent depuis 2005.

Fin juin, la mort du jeune Nahel, tué à bout portant par un policier lors d'un contrôle routier, a provoqué une semaine de violentes protestations en France. Plusieurs milliers d'interpellations ont eu lieu, dont un tiers de mineurs.

Les violences urbaines qui ont suivi ont aussi jeté une lumière crue sur les profondes crises de la société française, des difficultés des quartiers populaires aux relations houleuses entre jeunes et forces de l'ordre.

Usage excessif de la force : la France dans le collimateur

Depuis les manifestations contre la réforme des retraites et récemment les protestations ayant suivi la mort de Nahel, la France et sa police ont été à plusieurs reprises critiquées pour un « recours excessif à la force ».

Un comité d'experts de l'ONU a lourdement critiqué la gestion par les forces de l'ordre des troubles qui ont secoué la France. Le 7 juillet, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (Cerd) adopte en urgence une déclaration dénonçant « l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre » en France et demandant à Paris d’adopter une législation qui « interdise le profilage racial ».

Le Cerd s’est dit profondément préoccupé par « la pratique persistante du profilage racial combinée à l'usage excessif de la force dans l'application de la loi, en particulier par la police, contre les membres de groupes minoritaires, notamment les personnes d'origine africaine et arabe »

En France, les violences policières sont régulièrement sous le feu des projecteurs. Les observateurs s’alarment notamment face au nombre de morts, de mutilations et de blessures causées par la police française, par comparaison aux autres pays d’Europe occidentale. La doctrine du maintien de l’ordre à la française lors des manifestations est régulièrement critiquée. Ces dernières années, l’usage d’armes sub-létales de type flash-ball et d’armes à feu par les policiers, notamment lors de refus d’obtempérer liés à des contrôles routiers, fait également polémique.

L’ONU avait déjà tiré la sonnette d’alarme en 2019, pendant les manifestations de Gilets jaunes, au cours desquelles la répression était également inquiétante.

Le 24 mars 2023, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’alarme d’un « usage excessif de la force » par les agents de l’État envers les manifestants opposés à la réforme des retraites.

Interpellations massives et comparutions immédiates

Les protestations qui ont éclaté dans plusieurs villes rappellent celles qui avaient secoué la France il y a près de vingt ans. L'intensité et la vitesse de propagation des violences étaient toutefois supérieures à 2005. En réponse aux violences des derniers jours, le gouvernement a déployé d'importants moyens policiers. 45 000 fonctionnaires de police et de gendarmerie déployés, le Raid et le GIGN mobilisés, des véhicules blindés de la gendarmerie et des hélicoptères en appui, et à cela s'ajoute des interpellations massives. Depuis le début des violences urbaines le 27 juin dernier, 3 505 personnes ont été interpellées.

Les premières comparutions immédiates à la suite de ces interpellations ont confirmé ce qui se dessinait déjà: dans de nombreux dossiers, les procureurs réclament de la prison ferme avec mandat de dépôt.

La ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a émis une circulaire demandant que les personnes interpellées soient jugées dans le cadre de procédures accélérées, ainsi qu'avec sévérité.

Pour les avocats, cette « stratégie de maintien de l'ordre », la même que pendant la contestation contre la réforme des retraites, laisse à penser que des gardes à vue peuvent être considérées comme « arbitraires », notamment au regard de l'infraction choisie.

Responsabiliser et sanctionner les parents

Face au nombre de mineurs mis en cause dans les protestations, le président français, Emmanuel Macron a émis l'idée d'une sanction financière pour les familles. L’objectif serait d’ouvrir un chantier pour « mieux accompagner et parfois mieux sanctionner » les parents. Un chantier complexe et explosif.

Responsabiliser les parents, c'est un sujet qu'Emmanuel Macron a très vite mis en avant au début des violences face à la jeunesse contestataires interpellés, qui affichent une moyenne d'âge de 17 ans et dont certains sont à peine âgés de 13 ou 14 ans.

Au-delà des sanctions financières, le garde des Sceaux a, pour sa part, annoncé vouloir faire usage plus sévèrement de l’article 227-17 du Code pénal, qui permet des poursuites contre les parents en cas de défaut d’éducation. Ce texte interdit à tout parent de « se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant ».

La peine encourue est de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. Dans une circulaire, Éric Dupond-Moretti recommande aussi que des interdictions de sortir « à partir d’une certaine heure soient prises » lorsque la nature des faits, les circonstances de leur commission et la personnalité des mineurs le justifient ».

Activation à distance des téléphones portables et restreindre les réseaux sociaux

Les récentes protestations violentes qui ont émaillé la France semblent donner de nouvelles idées restrictives à Emmanuel Macron, comme activation à distance des téléphones portables mais aussi coupures ponctuelles des réseaux sociaux.

Les parlementaires français ont approuvé mercredi 5 juillet par 80 voix contre 24 un article du projet de loi de programmation pour la justice autorisant la possibilité d’activation à distance des téléphones portables pour écouter et filmer des personnes visées dans des enquêtes de criminalité organisée et de terrorisme.

Un important groupe français de défense des droits numériques a réagi au plan en disant qu'il soulevait de sérieuses inquiétudes quant à la violation des libertés fondamentales, du droit à la sécurité, d'avoir une vie et des communications privées, affirmant que le plan faisait partie d’un projet du gouvernement français dans le sens d’une répression sécuritaire.

Dans ce cadre, le gouvernement français a confirmé qu'il envisageait de « suspendre des fonctionnalités » sur les réseaux sociaux en cas de nouvelles violences. Il a toutefois assuré que ces mesures resteraient temporaires et ponctuelles.

Macron face au défi d’une réponse politique

Le président français cherche désormais à reprendre l’initiative après une semaine de protestations violentes. De Gilets jaunes en crise sanitaire, de guerre en Ukraine en réforme des retraites, Emmanuel Macron commence à avoir l’habitude. À force d’enchaîner les crises, le chef de l’État a mis en place une sorte de stratégie informelle pour les affronter, c’est celle de la surenchère et de la fermeté.

Il n’aura pas fallu longtemps pour que les protestations à l’échelle nationale deviennent à la fois un révélateur de l’échec de l’intégration, une réaction légitime à la violence policière ou une révolte contre les inégalités. Ainsi la réaction du gouvernement, par le flottement de ses réponses, n'est pas de nature à créer des liens de confiance avec l’ensemble de la population.

 

Ghorban-Ali Khodabandeh est un journaliste indépendant et analyste politique iranien basé à Téhéran.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV