Par Reza Javadi
L’abbaye de Westminster à Londres a accueilli dimanche une cérémonie de couronnement dont le coût s'élève à environ 125 millions de dollars, provenant directement de l’argent des contribuables.
Cette cérémonie s'est déroulée alors que le pays, et la région en général, sont confrontés à une inflation galopante et à une crise du coût de la vie qui s'aggrave, ce qui a déclenché des manifestations antimonarchiques dans tout le pays.
Après sept décennies de vicissitude, Charles III est devenu le chef de l’État en septembre dernier, à la suite du décès de sa mère régnante de longue date, la reine Elizabeth II, ouvrant la voie à la poursuite de la monarchie héréditaire, au grand dam des Britanniques.
Un nouveau sondage a révélé que plus de la moitié des Britanniques dans l’âge adulte estiment que la cérémonie de couronnement, qui s’est tenue dimanche, n’aurait pas dû être financée par l’argent des contribuables britanniques.
S’adressant aux manifestants sur le lieu de la cérémonie de couronnement dimanche, le directeur général du groupe anti-monarchie Republic, Graham Smith, a qualifié la cérémonie de « pantomime coûteuse » et d’« une gifle en pleine figure pour des millions de personnes aux prises avec la crise de cherté de la vie ».
Alors que la décision d’approuver ou non les projets de loi revient au Parlement britannique, avec un cabinet du Premier ministre responsable des décisions en matière de politique étrangère, une figure de proue symbolique reçoit des centaines de millions [de livres sterling] du budget du pays pour son couronnement, à quoi s’ajoute une énorme somme d’argent dépensée par les membres de sa famille royale pour leurs manigances, prélevée sur les caisses de l'État, c’est-à-dire l’argent des contribuables.
Charles III est monté sur le trône britannique à une époque de défis et crises nationaux croissants, tels que la flambée de l’inflation, la crise énergétique, l’effritement de la légitimité de la classe politique britannique, les troubles sociaux et une série de grèves et manifestations à travers le pays.
Le nouveau roi du Royaume-Uni et du Commonwealth, qui a maintenant hérité de milliers de dauphins, de cygnes, d’esturgeons et de baleines appartenant à la Couronne après la mort de la reine Elizabeth, célèbre son accession alors que la majorité de la population du pays lui tourne le dos.
Le Royaume-Uni compte un grand nombre de républicains. Environ la moitié des jeunes Britanniques expriment leur mécontentement à l'égard du régime monarchique et préfèrent un chef d'État élu. Ce sentiment s'est intensifié ces dernières années avec une prise de conscience croissante.
Selon une enquête de YouGov, publiée fin 2021, 41 % des 18-24 ans pensaient que la monarchie héréditaire devrait être abolie.
Dans une autre enquête récemment publiée par le National Center for Social Research (NatCen), 45% des Britanniques trouvent peu important qu’elle soit, oui ou non, abolie, marquant un bas record historique en termes d’appui public à la monarchie héréditaire.
L’étude de NatCen a révélé que seuls 3 Britanniques sur 10 pensent qu’une monarchie en principe est « très importante ».
En outre, le couronnement est intervenu à un moment où le prestige et la légitimité du monarque lui-même sont au plus bas, du moins au cours des cinq dernières années, en raison de multiples scandales impliquant les membres de la famille royale britannique et la famille proche de Charles III.
L’image de la famille royale à travers le monde est traditionnellement liée au colonialisme. Selon un essai publié dans le New York Times signé Caroline Elkins, professeur à l’Université de Harvard, la domination coloniale britannique a eu des effets pernicieux dès son apparition.
« Après que la Grande-Bretagne eut mené quelque 250 guerres au XIXe siècle pour “pacifier” les sujets coloniaux, émergea une idéologie contestée bien que cohérente de l’impérialisme libéral qui intégrait les revendications impériales souveraines à une énorme entreprise de réforme des sujets coloniaux, souvent appelés “enfants” », écrit Elkins.
Elle affirme que la soi-disant « mission civilisatrice » du Royaume-Uni était « brutale » dans son essence. « La violence n’était pas seulement la “sage-femme” [ayant aidé à la naissance] de l’Empire britannique, elle était endémique au niveau des structures et des systèmes de la domination britannique. »
Dans une série de ses propres gaffes, l’ancien Premier ministre britannique Boris Johnson, qui a fait face à un abandon sans cérémonie de ses fonctions, a admis l’année dernière le zèle impérial de son pays pour le colonialisme.
« Je ne peux m’empêcher de me rappeler que ce pays, au cours des 200 dernières années, a dirigé l’invasion ou la conquête de 178 pays – ce qui signifie la plupart des pays membres de l’ONU », a-t-il déclaré en juillet 2022.
De nombreuses personnes qualifient à tort la monarchie britannique de signe d’unité nationale, tandis qu’un nombre croissant de voix en Écosse et dans l’île du Nord veulent un statut indépendant pour leur nation vis-à-vis de la monarchie.
Charles III doit faire face à un pays profondément divisé, aux prises avec des turbulences économiques et un cynisme croissant à l’égard de la politique. Il devra affronter la Grande-Bretagne, le Commonwealth et le monde, exigeant réparation et restitution pour des siècles d’esclavage et de colonialisme.
Compte tenu de la faible popularité de Charles et des scandales d’ordre raciste au sein de la famille royale, révélés par la duchesse de Sussex Meghan Markle, la détestation de la couronne et de la monarchie britanniques risque encore de s’aggraver.
Reza Javadi est étudiant en thèse d’études britanniques à l’Université de Téhéran.
(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)