Par Xavier Villar
La récente visite de Reza Pahlavi, fils en quête d'attention de l'ancien Shah d’Iran, soutenu par l'Occident, dans les territoires occupés de la Palestine n'a pas seulement endiguer les sinistres objectifs de l’« opposition » iranienne soutenue par l'Occident, mais a mis à nu de profondes divisions et dissensions dans le camp.
Cette division est devenue évidente lorsque Hamed Esmailion, l'un des « leaders » autoproclamés de cette soi-disant « opposition », a brusquement quitté ce groupe la semaine dernière.
« Malheureusement, le travail au sein de la coalition n'avançait pas bien. Il y avait des pressions extérieures qui tentaient d'imposer leurs points de vue de manière antidémocratique », a-t-il écrit dans un message sur Twitter, expliquant la raison de son retrait inopiné du groupe.
Nous ne parlons pas seulement ici de pression extérieure. Les conflits au sein de cette soi-disant « opposition » ont atteint des niveaux inquiétants. Des messages agressifs et des menaces de mort sont échangés entre différents factions et groupes sur les réseaux sociaux.
Le harcèlement ne s'est pas limité à Internet. Mi-octobre, l'Université de Chicago a reçu une alerte à la bombe après avoir invité Negar Mortazavi, membre irano-américaine de l'« opposition » et journaliste des médias américains, à participer à une réunion.
Mortazavi a été accusée par d'autres factions de l'« opposition » d'avoir inventé l'alerte à la bombe pour gagner en notoriété.
C'est précisément cette lutte pour l'hégémonie au sein de « l'opposition » soutenue par l'Occident qui justifierait la visite de Reza Pahlavi en Palestine occupée. L'alliance avec d'autres personnalités de « l'opposition » à l'étranger n'a pas été possible principalement parce que les partisans de Reza Pahlavi ont attaqué d'autres membres du groupe, déclarant qu'il devrait être reconnu comme le seul « chef » compte tenu de sa lignée royale.
Les analystes politiques estiment que le voyage de Reza Pahlavi en Palestine occupée sans coordination avec d'autres personnalités de « l'opposition », comme la très décriée Masih Alinejad, explique le départ d'Esmaeilion du groupe car il ne pouvait pas bénéficier du soutien politique et économique du régime israélien.
Un autre conflit interne qui empêche la construction d'une alternative est, par exemple, la confrontation entre certains membres de « l'opposition » nationaliste et les plans de décentralisation promus par d'autres membres dits de « l'opposition ».
Il semble qu'il y ait plusieurs visions politiques au sein de ce que l'on appelle « l'opposition », politiquement, financièrement et moralement soutenues par les régimes occidentaux. Il est vrai que nous pouvons trouver des différences remarquables dans les opinions politiques des membres, mais au niveau du discours, nous nous retrouvons dans l'idée de ressemblance familiale de Wittgenstein.
Autrement dit, malgré des différences notables, ils relèvent tous du même discours. Les accords et les désaccords au sein de ce groupe diversifié s'expriment dans le même langage, celui de Westernesse.
Il n'y a donc pas de confrontation entre différents discours, mais plutôt des discussions intra-discursives.
Tous les membres de la soi-disant « opposition » se regardent à travers ce que le psychiatre et psychanalyste français Jacques Lacan appelle le « fantasme de totalité », un sujet pré-symbolique qui n'est pas « contaminé » par les marqueurs raciaux dans leurs multiples dimensions.
C'est un sujet qui peut recevoir des noms différents dans la chaîne d'équivalence : libéral, occidental, laïc, rationnel... C'est à ce sujet « universel » auquel sont comparés d'autres sujets racialement marqués, comme les « islamistes » ou ceux qui soutiennent la configuration politique actuelle de la République islamique.
De même, tous les membres de ce groupe marquent racialement les autres dans le soi-disant « temps panoptique » - un terme inventé par Anne McClintock - qui compartimente le monde en un espace de progrès et un espace anachronique.
Évidemment, « l'opposition » se construit comme représentative du temps de progrès, qui privilégie la rationalité, la raison, la liberté et l'autonomie et s'oppose au reste des Iraniens en tant qu'habitants d'un espace piégé dans un passé pré-moderne.
Ces autres Iraniens incarnent le voisin menaçant qui provoque une question ontologique en pointant la possibilité d'être au monde autrement.
Ce discours simplifie le monde en bon et mauvais, vertu occidentale et barbarie islamique.
Cette simplification s'observe malgré de nombreuses et violentes divergences entre ses différents membres, qui envisagent l'agence et la politique d'un point de vue exclusivement occidental. Comme l'explique Tala Asad, l'objectif politique singulier est d'être « moderne » et compris comme occidental.
Ce discours produit, entre autres, le voile comme spectacle d'anachronisme, d'absence de liberté et de régression. De plus, pour ceux qui comprennent le monde à travers ce discours, celui-ci produit le fantasme d'être un sujet libre, alors que d'autres deviennent à la fois un objet d'angoisse et le marqueur d'une différence insupportable.
La liberté est identifiée, par ce discours, comme la performativité de l'identité occidentale.
Malgré des différences notables, toutes ces postures peuvent être comprises au sein d'un même discours, dont l'objectif est de faire tomber la République islamique et de la remplacer par une forme de gouvernement dans laquelle l'islam n'a plus de pertinence politique.
Xavier Villar est docteur en études islamiques et chercheur qui fait la navette entre l'Espagne et l'Iran.
(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)