Par Xavier Villar
Nous sommes à nouveau dans le mois béni du Ramadan, le mois d'Allah, le mois du Saint Coran, le mois de la prière et de la piété. Ce mois est important pour de nombreuses raisons pour les musulmans.
Ce mois est celui de la révélation du Saint Coran au Prophète Mohammad (psl). La naissance de l'imam Hassan (AS), le deuxième imam chiite, tombe également au cours de ce mois, tout comme l'assassinat de l'imam Ali, le premier imam chiite et chef des croyants.
Ce mois sacré, associé à l'importance du Coran en tant que texte principal de l'islam, forme ce que l'on peut appeler le sujet musulman.
Lorsque l'on parle du livre saint, il est important de reconnaître qu'il s'agit du texte fondateur de l'islam qui établit la base d'une identité autonome construite autour de la langue islamique.
Pour les musulmans, la lecture et la compréhension du Coran ont une signification unique qui ne peut être partagée par les non-musulmans, qu'ils soient politiciens, chroniqueurs, polémistes déguisés en érudits ou même universitaires sérieux.
Cela ne signifie pas que les non-musulmans ne peuvent pas discuter du Coran ou du mois de Ramadan. Le Coran est un texte complexe, en particulier pour ceux qui n'en connaissent pas la structure.
Par exemple, lire le Coran avec une mentalité habituée à une lecture linéaire et chronologique pose de nombreuses difficultés. Or, ce sont précisément ces difficultés qui rendent le texte non linéaire et, par conséquent, une forme de libération en soi.
L'organisation du Coran est en elle-même une forme de libération. Le passage soudain d'un récit, d'un thème ou d'un concept à un autre sans aucune indication peut sembler étrange, mais c'est précisément cette absence de linéarité qui est en fait un lieu de libération.
Consciemment, il rejette le cloisonnement, exigeant d'être considéré de manière holistique, selon ses propres termes.
Il est particulièrement pertinent de noter que le Coran s'oppose au cloisonnement imposé par la modernité occidentale. Il ne peut être dompté par aucune puissance, ni colonisé, tout comme l'Islam lui-même.
Selon l'analyse de Mohammad Hossein Tabatabai dans son commentaire populaire du Coran, connu sous le nom d'Al-Mizan, et en particulier dans son commentaire de la sourate al-Ikhlas, le message du Coran est un message d'unité et de rejet de toute notion de hiérarchie ou de supériorité fondée sur la race ou l'appartenance ethnique.
La sourate al-Ikhlas énonce : "Dis : Il est Allah, l'Unique. Allah, l'éternel, l'absolu. Il n'engendre ni n'est engendré. Et il n'y a pas de semblable à Lui." Cette déclaration est une opposition à toute forme de suprématie, en particulier à la différence ontologique ou, dans le cas présent, au racisme.
Seul Dieu est ontologiquement autosuffisant. Toute tentative de se positionner au-dessus des autres pour des raisons raciales tomberait dans la catégorie coranique du "taghout". Le terme "taghout" vient du verbe arabe "tagha", qui signifie dominer ou dépasser les limites. Le Coran met en garde à plusieurs reprises contre ceux qui "dépassent les limites de la justice en dominant et en opprimant les autres".
On peut considérer que la catégorie de taghout correspond à ceux qui créent de faux dieux. Cette catégorie est responsable de la création de la fausse idole de la suprématie blanche, qui implique le passage d'une cosmologie théocentrique à une cosmologie anthropocentrique où l'homme blanc remplace le divin.
Outre la révélation du Coran au prophète Mohammad, le mois de Ramadan donne lieu à une réflexion sur la relation entre le texte sacré et l'Oumma, la communauté islamique au sens large.
Il met également l'accent sur la création d'un langage commun qui permet aux musulmans d'interagir et de débattre entre eux. En ce qui concerne l'Oumma, il faut comprendre qu'il n'est pas possible d'être musulman en tant qu'individu, comme certains libéraux l'ont prétendu à tort. Il n'est possible d'être musulman qu'en étant lié à l'Oumma.
Nous pouvons clairement affirmer que le Coran est un texte politique et sacré qui continue d'inspirer les musulmans dans leur lutte contre l'oppression sous toutes ses formes. Il sert d'horizon vers lequel l'Oumma, ou communauté musulmane, se dirige sans relâche.
Dans le contexte chiite, la relation entre le Coran et l'Oumma musulmane est médiatisée par la présence des Imams et du Wali.
Le professeur Salman Sayyid explique que le Coran, dans sa pleine expression, offre un défi existentiel à ses lecteurs, les obligeant à réfléchir à la direction de leur vie et à la manière dont ils peuvent aspirer à être correctement guidés.
C'est ici qu'entre en jeu la gloire du Coran dans son ensemble. Tous ses versets ont un effet sur les croyants qui va au-delà de la linéarité de son écriture, du contenu de ses récits ou de l'autorité de ses commandements.
Le Coran s'élève au-dessus de ces moments et fournit ainsi un moyen d'accès à la transcendance. Le mois de Ramadan, au cours duquel la révélation du Coran est célébrée, sert à rappeler à l'Oumma le langage commun créé par le Coran qui soutient la communauté en termes politiques.
Ce mois sacré n'est pas seulement l'occasion de jeûner, mais aussi de rappeler aux gens qu'à travers ce texte divin, il est possible de former une communauté politique qui recherche la justice dans toutes ses manifestations.
Ce mois souligne l'importance de ce qui constitue l'identité musulmane commune et met en garde contre les divisions qui ne profitent qu'à ceux qui sont étiquetés comme "taghout".
Xavier Villar est titulaire d'un doctorat en études islamiques et est un chercheur qui partage son temps entre l'Espagne et l'Iran.
(Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)