Par Syed Zafar Mehdi
Le discours bref, mesuré et puissant d’une jeune fille de 16 ans portant le hijab, devant le chef de l’agence nucléaire de l’ONU lors d’un événement à Téhéran la semaine dernière est devenu viral sur les réseaux sociaux.
Armita Rezainejad, fille du scientifique nucléaire iranien, le martyr Dariush Rezainejad, s’est exprimée lors d’un événement organisé par l’organisation nucléaire iranienne à l’occasion de la visite de deux jours de Rafael Grossi à Téhéran.
Faisant preuve de confiance en soi, de sang-froid et d’équilibre mental, l’adolescente s’est exprimée dans un anglais courant et a attiré l’attention de toutes les personnes présentes, y compris Grossi, qui a été vu hocher la tête en signe d’accord alors que le chef de l’agence nucléaire iranienne, Mohammad Eslami, lui disait un message à l’oreille.
« Je suis Armita Rezainejad, fille d’un des martyrs nucléaires », s’est-elle présentée, jetant un bref coup d’œil autour d’elle pour attirer l’attention de tous, tout en « accueillant » le chef de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) comme un geste caractéristique de l’hospitalité iranienne.
« Nous sommes à la veille du Nouvel An (iranien) », a déclaré Armita, ajoutant qu’elle avait eu une « vie normale », jusqu’à il y a maintenant 11 ans déjà, c’est-à-dire avant que son père ne soit assassiné dans un lâche attentat perpétré le 23 juillet 2011 dans l’est de la capitale iranienne.
Dariush Rezainejad a été touché à cinq reprises, devant sa femme et sa fille, par des assaillants à moto travaillant pour l’agence d’espionnage israélienne, le Mossad, devant le jardin d’enfants de sa fille. Sa femme a été blessée aussi lors de cet attentat.
Il a été le quatrième scientifique nucléaire iranien à être assassiné en quatre ans, après Ardeshir Hosseinpour tué le 15 janvier 2007, Massoud Alimohammadi, le 12 janvier 2010 et Majid Shahriari, le 29 novembre 2010.
Fereydoun Abbasi qui a ensuite dirigé l’agence nucléaire du pays a eu lui la chance de pouvoir s’échapper devant l’université Shahid Beheshti (nord de Téhéran), le jour même où Shahriari a été assassiné.
L’assassinat de Rezainejad a été suivi de celui de Mostafa Ahmadi Roshan le 11 janvier 2012, date du 2e anniversaire du martyre de son ancien collègue Alimohammadi. Plus récemment, Mohsen Fakhrizadeh a été assassiné le 27 novembre 2020 dans la périphérie de Téhéran.
L’attaque contre Rezainejad a été décrite par un détective du renseignement israélien interviewé par le journal allemand Der Spiegel comme « la première opération publique du nouveau chef du Mossad, Tamir Pardo ».
La femme de Rezainejad, citée par l’agence de presse Mehr, a déclaré qu’elle avait pourchassé les assaillants armés, puis s’était rendue compte qu’ils lui tiraient également dessus. Elle est finalement tombée au sol et a vu la moto s’éloigner.
« J’avais une vie normale il y a 11 ans, mais six balles y ont mis fin », a déclaré Armita Rezainejad, avec un sang-froid extraordinaire. « J’avais quatre ans et demi quand mon père a été assassiné sous mes yeux. »
Cette jeune enfant a donc vu l’horreur se produire devant ses yeux, son petit et beau monde s’effondrer alors que six balles transperçaient son père de 36 ans. Mais elle était trop petite pour comprendre l’ampleur du drame à ce moment-là.
« C’était un scientifique qui n’avait rien à voir avec la violence. Et je ne suis pas la seule. Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire », s’est empressée d’ajouter Armita Rezainejad, aujourd’hui âgée de 16 ans qui a ému jusqu’aux larmes de nombreuses personnes dans son auditoire.
La jeune fille du scientifique nucléaire iranien tué a ensuite attiré l’attention de Grossi et d’autres personnalités sur l’impact dévastateur des sanctions américaines sur certains malades iraniens dont beaucoup sont aux prises avec des maladies potentiellement mortelles.
« Aujourd’hui, de nombreux patients perdent la vie parce qu’ils ne reçoivent aucun médicament », a souligné Armita Rezainejad. « Beaucoup de gens sont écrasés par la mauvaise situation économique causée par les sanctions. »
Elle faisait écho aux responsables iraniens et aux militants des droits de l’homme qui accusent les États-Unis et leurs alliés occidentaux d’avoir érigé en armes les sanctions contre la nation iranienne, mentant effrontément au sujet de l’octroi d’exemptions pour les médicaments vitaux.
L’ancienne administration américaine dirigée par Donald Trump a rétabli des sanctions paralysantes contre l’Iran après avoir abandonné unilatéralement l’accord nucléaire de 2015 en mai 2018. Bien qu’il ait promis d’annuler les mesures intransigeantes de son prédécesseur mégalomane, Joe Biden n’a fait que monter un peu plus la barre des sanctions et exigences.
Le puissant message d’Armita Rezainejad s’adressait au chef de l’agence nucléaire de l’ONU et à la communauté internationale, cherchant à attirer leur attention sur les problèmes auxquels sont confrontés les Iraniens ordinaires en raison des sanctions qui s’accumulent chaque jour.
Elle a également subtilement dénoncé les doubles standards de l’AIEA et a exhorté l’agence nucléaire des Nations unies à abandonner son approche politisée [partiale] envers l’Iran et à exposer au monde entier, la nature pacifique du programme nucléaire de notre pays.
« La nation iranienne attend de vous que vous nous aidiez à améliorer l’état actuel des choses en élaborant des rapports impartiaux et équitables sur les activités nucléaires pacifiques de l’Iran », a déclaré à Grossi la fille du scientifique nucléaire martyr.
L’agence nucléaire de l’ONU a été accusée d’adopter une approche politisée et partisane du programme nucléaire pacifique de l’Iran, bien que Téhéran ait accordé une coopération totale et inconditionnelle à l’AIEA et autorisé des inspections régulières.
Il serait intéressant de rappeler qu’Israël a refusé de signer le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP), a rejeté à plusieurs reprises et avec mépris les appels à rejoindre l’accord clé du régime international de contrôle des armements et qu’il ne permet pas aussi à l’agence nucléaire des Nations unies d’inspecter ses sites.
Au fil des ans, ce régime d’apartheid a également mené une série d’attaques de sabotage sur les sites nucléaires iraniens surveillés par l’AIEA et assassiné les meilleurs scientifiques nucléaires du pays, dont le père d’Armita.
Un film sur la vie et l’héritage de Dariush Rezainejad, qui a été présenté en première l’année dernière, donne un aperçu de la façon dont les scientifiques nucléaires iraniens ont été ciblés par le régime israélien sous un patronage occidental mené au fil de plusieurs années.
« Une opportunité a été offerte pour que les gens du monde entier connaissent les souffrances de la nation iranienne au cours des dernières décennies et comprennent que les Iraniens font partie des plus grandes victimes des crimes commis contre l’humanité », a déclaré Armita dans une lettre à l’adresse des diplomates européens après la sortie du film, en juillet de l’année dernière.
Son discours de la semaine dernière a rappelé à la communauté internationale que l’Iran est victime du terrorisme et des sanctions.
Syed Zafar Mehdi est un journaliste, commentateur politique et auteur basé à Téhéran. Il a réalisé des reportages pendant plus de 13 ans sur l’Inde, l’Afghanistan, le Cachemire et l’Asie occidentale pour des publications de premier plan dans le monde entier.
(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)