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Zoom Afrique du 21 février 2023

Zoom Afrique du 21 février 2023

Les titres de la rédaction :

  • Rwanda : les recettes d’exportation agricoles ont augmenté de 45 % à 789 millions $ en 2022
  • Togo : que devient le projet de manganèse Nayega ?
  • Ghana : le gouvernement investira au moins 30 millions $ dans le 1er producteur de lithium du pays
  • Algérie : le tramway de Mostaganem officiellement mis en service

Les analyses de la rédaction :

1. À l’Union africaine ; Israël éjecté 

Une délégation israélienne s’est rendue à l’UA sans être invitée. Sharon Bar-li, directrice générale adjointe pour l’Afrique, a été boutée hors de la salle. 

Il y a un an, les présidents des États membres de l’Union africaine étaient bien embarrassés par le régime israélien, qui avait soudain obtenu un poste d’observateur au sein de l’UA après d’intenses opérations de lobbying. Pendant plusieurs semaines, cette décision avait semé la discorde au sein de l’instance continentale. Il était notamment reproché au président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, d’avoir pris cette décision à la hâte et sans aucune concertation avec les autres pays du continent. 

Une solution d’apaisement avait finalement été prise lors du 35e sommet de l’Union africaine, en février 2022. Un « comité » avait été créé pour décider de confirmer ou d’annuler la décision de faire entrer Israël à l’UA. Un rapport devait alors être rédigé pour le mois de juillet et il s’agissait de statuer sur le futur rôle d’Israël. 

Samedi, une délégation israélienne s’est rendue à l’ouverture du sommet des chefs d’État de l’UA, espérant un vote en sa faveur. Mais cela a surtout donné lieu à un imbroglio diplomatique. Sharon Bar-li, directrice générale adjointe pour l’Afrique, a été priée de sortir, poussée selon elle dehors notamment par l’Afrique du Sud et l’Algérie. Israël déplore une mesure « grave ». 

Mais du côté du Congrès national africain (ANC), le parti du président sud-africain, « l’expulsion de la délégation israélienne est une réaction à une tentative de saper l’actuel sommet de l’UA » qui devait examiner le fameux rapport sur la question de l’octroi à Israël du statut de membre observateur. L’ANC estime que Tel-Aviv aurait dû attendre les résultats des délibérations plutôt que d’entrer par la force. 

De nombreuses rumeurs courent quant à la décision qui sera prise. « Le statut d’Israël en tant qu’observateur est en cours d’examen par un comité de chefs d’État conformément à une décision de l’Assemblée. En attendant, résistez à l’envie de spéculer », a tenu à rappeler Ebba Kalondo, porte-parole de la Commission de l’UA. 

Mais qui a invité Sharon Bar-li ? Selon Ebba Kalondo, « l’UA n’a ni autorisé ni invité l’individu en question, qui a été dûment expulsé, à assister à l’ouverture de notre sommet ». La directrice adjointe Afrique du ministère israélien des Affaires étrangères, qui avait été très active au moment de convaincre Moussa Faki, aurait donc pris les devants en se présentant sans y être invitée. 

De quoi une nouvelle fois provoquer des désaccords quant à la question de la présence d’Israël comme membre observateur au sein des instances de l’Union africaine. 

L’ANC, le mouvement sud-africain pionnier de la lutte contre l’apartheid, les a accusés de chercher à saper le sommet. 

A la clôture des travaux, le président de la Commission africaine a tenu à clarifier les choses, assurant qu’Israël n’a pas été invité et qu’il a décidé de sa propre initiative de dépêcher une délégation. Moussa Faki a été catégorique : « Nous n’avons pas invité des officiels israéliens à notre sommet. » 

« Nous avons constaté qu’il y a une personnalité qui est entrée dans la salle avec un badge et, naturellement, nous lui avons demandé de quitter les lieux », a-t-il ajouté, annonçant que des « investigations » seront effectuées pour « situer les responsabilités ». 

« Quand quelqu’un arrive ici, s’il est invité, il est invité par le président de la Commission de l’Union africaine.  Nous n’avons invité aucun officiel israélien » au sommet de l’UA », a insisté Moussa Faki. 

 Concernant le statut octroyé dans un premier temps à Israël, le responsable de l’UA a confirmé qu’il demeure suspendu jusqu’à ce que le comité ad-hoc de chefs d’État « puisse délibérer ». 

« Quand les chefs d’État vont décider oui ou non, à ce moment, naturellement, Israël va être observateur ou non. Cette question est suspendue à la décision souveraine de ce comité de chefs d’État », a conclu le président de la Commission africaine. 

2. Guinée équatoriale: l’escroquerie de la France mis en avant ! 

L’affaire des Biens Mal acquis qui plane sur la Guinée équatoriale continue et la France est en réalité dans de sales draps.  

Après son combat pour la création d’un dispositif de restitution des biens mal acquis aux populations des pays d’origine des fonds, Sara Brimbeuf décrit le rôle de Tansparency International dans ce dossier et les tenants et les aboutissants de ce dispositif. 

À l’été 2021, le dispositif de restitution transparente des biens mal acquis aux populations des pays d’origine des fonds était mis en place par la France. Ce dispositif était réclamé depuis une quinzaine d’année par des ONG, parmi lesquelles Transparency International France. Le ministre des Affaires étrangères d’alors, Jean-Yves Le Drian, estimait que « ce dispositif constitue un moyen très concret pour lutter contre les ravages de la corruption ». 

Avant la création de ce dispositif, les fonds confisqués dans le cadre d’affaires de biens mal acquis étaient rattachés directement en recettes du budget général de l’État français. Mais vu que la France a déjà accepté les investissements sur son territoire, considérés pourtant comme de prétendu fond provenant de la “corruption”, ne montrerai-t-elle pas l’hypocrisie de l’État français ? 

Auparavant, toute restitution au bénéfice des populations des pays concernés était impossible. Où allait l’argent des biens mal acquis, notamment par des dirigeants africains ? La France était-elle en contradiction avec la Convention des Nations unies contre la corruption ? 

La Convention des Nations unies contre la corruption pose un cadre assez restreint en matière de restitution. La Convention n’impose aux États Parties de restituer les avoirs issus de la corruption que lorsque les États d’origine des avoirs — c’est-à-dire les États d’origine de l’argent détourné —  en font la demande, soit via les canaux de la coopération judiciaire internationale soit en se constituant partie civile dans le cadre d’une procédure judiciaire initiée dans l’État d’accueil des avoirs — c’est-à-dire l’État où les produits de la corruption ont été blanchis et investis. 

C’est exactement ce que prévoyait le droit français. Or, dans les affaires des biens mal acquis initiées par les plaintes des ONG, la position des États d’origine consistait à contester l’existence même des infractions poursuivies, bloquant, de fait, toute possibilité de restitution en application de la Convention de Mérida. 

Dans ces affaires, l’argent issu de la revente de biens mal acquis ne pouvait que retomber dans le budget de l’État français. Cela montre l’hypocrisie de l’État français dans ces prétendues affaires de bien mal acquis.  

La loi du 4 août 2021 pose un principe général de restitution des biens mal acquis encadré. La loi a également établi l’architecture budgétaire suivante : les fonds confisqués dans les affaires de type « biens mal acquis » donneront lieu à l’ouverture de crédits budgétaires spécifiques placés sous la responsabilité du ministère des affaires étrangères et pilotés par l’Agence Française de Développement (AFD). En d’autres termes, cet argent pourrait bel et bien être reversé aux populations mais sous forme d’« aide » de la France. Cet argent servirait donc de moyen de pression dans le but d’affaiblir les économies des pays concernés. Mais même si ces fonds sont restitués aux pays africains concernés, ces fonds serviront pour développer les pays cibles, ce qui n’arrange bien évidemment pas la France et ses alliés occidentaux, qui veulent coûte que coûte que l’Afrique reste dans son état actuel. 

Entre 2012 et 2021, le Royaume-Uni, Jersey, les États-Unis et l’Irlande ont restitué plusieurs centaines de millions de dollars au Nigeria, dans le cadre de trois processus de restitution distincts. Ces trois processus de restitution ont pour point commun, les fonds restitués ont été affectés à la construction des mêmes projets d’infrastructures, à savoir la construction d’une autoroute entre Lagos et Ibadan, de la route entre Abuja et Kano et du second pont du Niger. 

Cette décision concernant l’utilisation des fonds, prise en l’absence de concertation avec la société civile nigériane, a donné lieu à de nombreuses et vives contestations.  

Or, ni les partenaires des restitutions successives que sont le Royaume-Uni, les États-Unis, Jersey et l’Irlande, n’ont fourni de justification à l’affectation des fonds restitués à des projets d’infrastructure faisant déjà l’objet d’un financement, ce qui laisse planer le risque d’un nouveau détournement des fonds au profit de ces pays occidentaux. 

Une consultation de la société civile nigériane en amont pour mieux appréhender ses besoins et ses attentes quant à l’utilisation des fonds restitués aurait été un signe de bonne volonté de la part des pays occidentaux. 

Le nouveau mécanisme de restitution, par la France, des biens mal acquis est administré par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, au travers de crédits qui doivent être affectés à des actions de coopération et de développement, notamment effectuées par l’Agence française de développement (AFD). N’est-ce pas là, avec l’encaissement des fonds sur le budget général de l’État français, une façon de garder une certaine tutelle sur les pays concernés ? 

Il faut également préciser que le mécanisme créé par la loi du 4 août 2021 ne confie pas systématiquement le pilotage à l’AFD, mais se laisse au contraire la possibilité de passer par des organisations internationales (Banque Mondiale, Programme des Nations Unies pour le Développement, etc.) et des ONG selon les cas d’espèce. 

Et avec cela, la France serait accusée de néo-colonialisme, de paternalisme ou de mise sous tutelle.  

Concrètement, sur l’affaire de la Guinée équatoriale, de nombreux biens mobiliers, dont des voitures de luxe et plus récemment des objets d’art ont déjà été vendus aux enchères, mais l’argent est toujours dans les poches de l’État français. Le processus de restitution est évidemment bloqué car le bâtiment situé avenue Foch par la justice française héberge l’ambassade de Guinée équatoriale, ceci malgré une décision de la Cour Internationale de Justice rendue en 2020 refusant de reconnaître le statut diplomatique à l’immeuble. La politique de deux poids deux mesures de l’Élysée continue donc de battre son plein. 

Une issue diplomatique doit être trouvée pour permettre d’envisager la restitution de ce bien immobilier estimé à près de 100 millions d’euros et dont l’État français ne veut en aucun cas laisser passer. Les affaires de bien mal acquis, c’est l’escroquerie de la France qui est mis en avant et non le contraire. 

3. Mali-Guinée-Burkina: la CEDEAO cherche sa propre fin ? 

C’est un niet osé que la conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO viennent d’opposer à la « levée des sanctions » formulée par le Mali, la Guinée et le Burkina Faso. Ces trois pays avaient récemment fait front commun pour aller à l’assaut de l’organisation sous-régionale pour plaider leur cause et ramener l’instance à la raison. Mais, cette dernière n’a visiblement pas compris. Au contraire, elle a eu la main un peu plus lourde en rajoutant du poids aux sanctions sur le dos de ces pays. La CEDEAO a prononcé « une interdiction de voyager aux membres du gouvernement et autres hauts fonctionnaires » de la Guinée, du Mali et du Burkina Faso. Le but est d’isoler un peu plus ces pays du reste du monde. 

Que du vent et de la perte de temps ! C’est à cela qu’on pourrait résumer la réponse de la CEDEAO face à la démarche du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso. Et, cette réponse était prévisible. C’est en quelque sorte une restriction de liberté de circuler pour restreindre les manœuvres de ces trois pays qui se coalisent à l’internationale. 

Ces trois pays d’Afrique de l’Ouest avaient été suspendus par la Cédéao après leurs prises de position souverainiste qui déplait à plusieurs pays, notamment la France et évidemment ses alliés aussi bien occidentaux qu’africains. 

Les pays membres de la Cédéao ont décidé de « maintenir les sanctions existantes contre les trois pays, et d’imposer des interdictions de voyage aux membres du gouvernement et d’autres représentants » du Mali, du Burkina Faso et de la Guinée, selon un communiqué signé par le chef de l’Etat bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo, président en exercice de la Cédéao, à la suite d’une réunion organisée samedi lors du sommet de l’Union africaine (UA) à Addis Abeba. 

Les trois pays avaient demandé le 10 février la levée de leur suspension de la Cédéao, mais également de l’UA, déplorant les « sanctions imposées ». 

Dans ces trois pays, le retour à l’ordre constitutionnel est théoriquement prévu en 2024 au Mali et au Burkina Faso, en 2025 en Guinée. 

Incapable de se remettre en cause, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) vient de poser un acte grave de conséquences. Profitant du sommet de l’Union Africaine à Addis-Abeba en Ethiopie le 18 février 2023, les chefs d’Etat et de gouvernement de la communauté ouest africaine ont reconduit l’interdiction de voyager pour des responsables des transitions au Mali, au Burkina Faso et en Guinée Conakry. L’Union Africaine aussi a emboité le pas à la CEDEAO en refusant de lever les sanctions ciblant les trois transitions.  

Ainsi, la CEDEAO et l’Union Africaine poussent davantage les trois pays vers une exclusion qui ne fera qu’affaiblir ces organisations. Le torchon brûle entre les transitions et les organisations panafricaines au sujet de l’organisation des élections. Des chronogrammes mal réfléchis ont été imposés au Mali et au Burkina Faso après de longs mois de négociations. On constate que le respect de ces chronogrammes n’est pas possible compte tenu des difficultés sécuritaires. Ces trois pays ne sont pas les seuls pays africains où il y a eu des ruptures de pouvoir. L’Union Africaine est par exemple silencieuse sur le cas du Tchad dirigé par une transition. 

On est dans un jeu de dupe, où les pays ménagés par l’Occident, notamment le Tchad, sont épargnés. Dans tout ça, c’est surtout la CEDEAO qui sera affaiblie par l’exclusion de trois pays qui sont déterminés à se soutenir sur le plan sécuritaire et économique. La CEDEAO a expliqué que la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement a été informée de la demande à elle adressée par les Ministres des affaires étrangères du Burkina Faso, de la Guinée et du Mali, portant sur la levée des sanctions qui leur ont été imposées à la suite de leurs coups d’état respectifs. 

Mais cet appel n’a servi à rien, puisque la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement a décidé de maintenir les sanctions existantes à l’encontre des trois pays et d’imposer une interdiction de voyager aux membres du gouvernement et autres hauts fonctionnaires des trois pays. Par la même occasion, la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement a rejeté totalement les mesures unilatérales prises par les autorités de transition en Guinée, en ce qui concerne la mise en œuvre de la feuille de route de transition. 

Pour la CEDEAO, il y a la nécessité d’ouvrir l’espace politique à tous les acteurs des trois pays et d’assurer un dialogue politique inclusif. C’est dans ce cadre que la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement instruit le Président de la Commission de la CEDEAO d’accompagner la mise en œuvre des feuilles de route de la transition et de renforcer l’appui sécuritaire et humanitaire aux pays touchés, dans le but d’atténuer les souffrances des populations. 

La CEDEAO croit avoir le pouvoir d’imposer la ligne de conduite des affaires dans les pays en question. On comprend alors pourquoi la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement invite les Nations unies, l’Union africaine et tous les partenaires internationaux à appuyer la mise en œuvre des décisions de la CEDEAO concernant les trois pays. Il y a la main des pays étrangers qui financent les activités de la CEDEAO dans cette ligne de conduite, notamment l’Union Européenne et les Etats Unis. 

La CEDEAO se fait du mal, tout en sachant qu’elle n’a aucun moyen de pression sur les trois pays qui savent que l’heure est venue de mutualiser leurs efforts. Les transitions ne céderont pas aux injonctions de la CEDEAO dont les chefs d’Etat et de gouvernement sont loin d’être des modèles. La communauté ouest africaine refuse d’écouter les explications des ministres des Affaires étrangères des trois pays dont deux sont en guerre contre des groupes terroristes déterminés. 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV