Dans ce numéro de Zoom Afrique :
L’actualité en Afrique :
Les analyses de la rédaction :
Soudan :
Au Soudan, les contestataires ont beau avoir réussi à déboulonner le leader de longue date Omar el-Béchir, ils n’ont pas pour autant obtenu un changement radical de régime. Derrière les généraux qui tiennent le pouvoir actuellement à Khartoum, ils ont sans doute un cartel encore plus puissant qui tire toutes les ficelles et les éloigne de la révolution tant rêvée : les régimes arabes.
Depuis lundi, la situation a dégénéré au Soudan. Les militaires ont fait crépiter les armes et la contestation a dénoncé la perte d’au moins 35 manifestants. Un bilan nié par les généraux au pouvoir. Pur hasard ou opération mijotée, cette montée de fièvre survient quelques jours seulement après une série de réunions entre les dirigeants de la junte militaire soudanaise et des régimes autocratiques arabes, soupçonnés de vouloir contrecarrer les aspirations des manifestants soudanais, s’inquiètent des analystes.
Abou Dhabi et Riyad misent sur les militaires actuellement au pouvoir au Soudan pour « consolider un contrôle sur le long terme dans ce pays ».
Jadis alliés du président Omar el-Béchir qui a fléchi le 11 avril sous la pression de la rue, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte n’ont d’ailleurs pas simulé leur soutien aux militaires soudanais désormais au pouvoir.
Au-delà des considérations régionales, pour l’Égypte, un soutien au régime militaire soudanais revêt trois intérêts majeurs. Le Caire espère notamment compter sur certaines concessions soudanaises dans le conflit qui l’oppose à l’Éthiopie sur le barrage de la Renaissance, actuellement en cours de construction sur le Nil. Khartoum serait également une importante base arrière dans la lutte contre le « terrorisme » menée par Le Caire. Et surtout, cela permettrait de freiner la renaissance des Frères musulmans, haïs par l’actuel régime égyptien.
Enlisés au Yémen, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis convoitent la puissance militaire de la junte soudanaise et veulent donc pouvoir influer sur la future politique du Soudan.
Pour les leaders de la contestation soudanaise, toutefois, qui estiment que personne ne devrait décider de l’avenir de leur pays, cet intérêt marqué des régimes arabes pour la crise politique que vit leur pays est de mauvais augure.
« Le changement (politique) a été amené par le peuple soudanais et n’a rien à voir avec tout autre pays », affirme un des meneurs du mouvement sous le couvert de l’anonymat, accusant les pays du golfe Persique de vouloir utiliser le Soudan comme « champ de bataille ».
Où va le Soudan ? Difficile de le prédire. Le Premier ministre éthiopien, grand ami de l’Occident, vient de débarquer à Khartoum pour, dit-il, apporter sa médiation entre les civils et la junte militaire au pouvoir. Mais on sait qu’il a une mission bien précise. Faire adhérer le Soudan au bloc américano-émirati dans la corne de l’Afrique. Après tout, le Soudan a été l’un des rares États de cette région, avec la Somalie et Djibouti, à garder le cap sur la Russie et la Chine.
Burkina Faso :
Démunis face aux groupes terroristes venus des pays voisins, le pouvoir burkinabé tente de trouver un bouc émissaire en la personne de l’ancien président Blaise Campaoré.
L’invasion occidentale au Burkina Faso a commencé. Il faut bien croire que la fameuse opération de la libération d’otages franco-américaine impliquant il y a un mois le Bénin, le Burkina, le Niger et le Mali n’a été qu’un prélude. Depuis que la force d’occupation française a décidé d’étendre son action au Burkina, et ce par terroristes interposés, le bilan sécuritaire est terrifiant : 499 personnes (civiles et militaires) tuées entre novembre 2018 et mars 2019 ; 1 933 écoles fermées et 9 042 enseignants contraints au chômage technique alors que plus de 300 000 élèves ne prennent plus le chemin des établissements scolaires. L’occupation s’en est prise aux églises, cherchant aussi à déclencher des violences interreligieuses.
Le dimanche 26 mai, six fidèles ont été tués pendant une messe lors d’une nouvelle attaque contre une église catholique à Toulfé, localité du nord du Burkina Faso.
Si jusqu’en 2015, le pays a été épargné par la gangrène terroriste qui a touché le Mali et le Niger, aujourd’hui le Burkina Faso est frappé à l’est, au nord, et même à Ouagadougou. On a accusé un temps « Ansarul islam », mais personne n’y a cru. Le caractère complexe et offensif, l’ingénierie logistique des attaques portent l’empreinte des services secrets occidentaux. Tout cela pour faire plier l’État et l’armée burkinabés, qui ont repoussé les ingérences des forces étrangères présentes dans la région pour privilégier des solutions nationales comme les changements en 2017 à la tête de l’armée, de la gendarmerie, de la police ainsi que la création d’une Agence nationale du renseignement (ANR) confiée au colonel François Ouédraogo.
Mais l’invasion occidentale est trop large. Le G5 Sahel a bien préparé le terrain. C’est dans ce contexte que la coalition d’agression ramène au-devant de la scène l’ex-président Blaise Campaoré, laissant supposer que c’est lui le cerveau des opérations terroristes. Mais qui pourrait croire cela ?!
Il ne faut pas oublier que c’est Paris qui, au plus fort de l’insurrection populaire contre cet agent français, a exfiltré Blaise Compaoré à travers une opération spéciale montée par la DGSE (les services secrets français). La réalité est que l’invasion occidentale ne va pas en rester là.
À bien regarder la situation sécuritaire actuelle du Burkina, le risque de contagion de la menace terroriste touche les pays non sahéliens d’Afrique de l’Ouest : le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée et le Togo. Les conquistadors français, américains et otaniens le disent sans cesse : Daech, vaincu en Irak et en Syrie, concentre ses dernières actions sur le Sahel. Que faire ? Une union sacrée interafricaine contre les puissances occidentales et des coopérations plus larges avec les vrais vainqueurs de Daech, soit les pays de l’axe de la Résistance.
Sénégal :
Une tentative de « déstabilisation ». C’est ainsi que le président sénégalais Macky Sall a qualifié mercredi les accusations de corruption portées contre l’un de ses frères dans un reportage de la BBC consacré au prometteur secteur gazier et pétrolier. « Nous savons que là où il y a du pétrole, certains vont tenter de déstabiliser le pays [...]. Le gouvernement va poursuivre cette affaire », a-t-il déclaré après la prière de l’Aïd al-Fitr marquant la fin du ramadan. Une annonce faite alors que l’exploitation d’importantes réserves au large du Sénégal devrait commencer d’ici 2021 ou 2022.
« Je tiens à ce que la vérité soit rétablie », a affirmé le président Sall, promettant de sévères sanctions aux fauteurs de troubles et aux auteurs des accusations. Quelle mouche a piqué Londres ? Qui veut faire chanter le président Sall ? Le scénario du code minier congolais risque-t-il de se reproduire au Sénégal ? En tout cas, Macky Sall a commis l’imprudence la semaine dernière en conseil des ministres, en évoquant « l’urgence d’introduire dans le circuit législatif le projet de loi portant sur la répartition des revenus issus de l’exploitation des ressources pétrolières, avec la prise en compte des générations futures ». Sall a rappelé à cette occasion « son attachement prioritaire au développement durable, ainsi qu’à l’exploitation optimale et transparente de nos ressources naturelles », selon le communiqué du conseil des ministres, qui ajoute que le chef de l’État « a confirmé et rappelé sa décision d’élargir le Comité d’orientation stratégique du pétrole et du gaz (COS-PETRO-GAZ) aux représentants de la société civile et de l’opposition ».
Sall a rappelé les mesures mises en place depuis trois ans, parmi lesquelles la création du COS-PETROGAZ et la création d’un Institut national du pétrole et du gaz pour former les meilleures ressources humaines. Et surtout, le champ gazier Grand Tortue/Ahmeyim, qui est considéré comme le plus important gisement en Afrique de l’Ouest, avec des réserves estimées à 450 milliards de mètres cubes. Ce gisement est à cheval sur la frontière sénégalo-mauritanienne.
Le début de la production de ce gisement gazier est prévu pour 2022. Eh bien, Shell, Total et autres compagnies pétrolières occidentales n’aiment guère que le pétrole sénégalais revienne aux Sénégalais. Sall se fait accuser sans doute pour rectifier le tir.
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