La morale passe bien souvent en second plan dans la pratique des relations internationales. L’excessif « réalisme » prend toujours le dessus.
Les États suivent leurs intérêts nationaux aux dépens des valeurs de justice, d’égalité, de partage des richesses et de droit aux peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est une réalité indéniable. La charte des Nations unies, issue de la conférence de San Francisco en 1951, peine à assurer un semblant d’ordre équitable et juste au niveau international. Depuis la Renaissance, l’Occident judéo-chrétien domine le monde, et ce, en imposant au moyen des armes leur « civilité », c’est-à-dire leur « conception de la vie » et au passage, comme toujours, pour en réalité piller systématiquement les ressources naturelles des peuples. Au XXe siècle, partout les peuples ont été dominés, leurs libertés bafouées, leurs ressources dépouillées. En Amérique latine, en Asie ou en Afrique, sous le prétexte de la lutte anti-soviétique, les renseignements et les services secrets des puissances judéo-chrétiennes ont parrainé de purs dictateurs, ont dévalisé les ressources au service de leur économie, de leur industrie et de leur système financier.
Ces puissances impérialistes, derrière même la mise en place de la charte des Nations unies, furent les plus grands bourreaux des peuples et prédateurs de leurs ressources naturelles. Quel paradoxe ! Quelle forfaiture !
Sous peine de nous perdre dans les nombreux cas de figure, nous allons nous concentrer sur l’exemple libanais.
Les exactions du régime israélien, à l’image de ses fréquentes incursions en violant les espaces aériens de ses pays voisins, incarnent l’exemple type de la défaillance du droit international dans sa capacité à fournir un bouclier aux nations faibles contre les nations fortes.
Lorsque la charte du droit international fait faillite dans certains dossiers, il est tout à fait normal pour les peuples de prendre leur défense en main. Et la naissance du Hezbollah constitue un cas-modèle de peuple prenant sa défense en main, faute d’un corpus juridique protecteur.
Le Hezbollah est aujourd’hui craint par Israël, car il constitue une vraie menace stratégique pour Tel-Aviv. Rappelons bien que cette organisation est née à cause des interventions accompagnées d’exactions d’Israël au Liban. La faiblesse de l’État, un certain laisser-aller de sa part quant au sort de la population et l’incapacité des Nations unies à protéger les peuples sans défense, ont incité les Libanais à s’organiser, avec le soutien de la Syrie et de l’Iran, pour se défendre face à l’impérialisme israélien. Les Libanais s’organisèrent militairement pour former la Résistance islamique. Les combattants du Hezbollah combattront Israël jusqu’à le chasser totalement du Liban en mai 2000. À l’époque, Israël a prétendu avoir respecté la résolution 425 votée en 1978, qui lui demandait d’évacuer sans condition le sud du Liban envahi en mars de cette année-là, sous prétexte de la présence d’une guérilla palestinienne opérant contre le territoire israélien à partir du Liban.
Mais Israël oublie de mentionner que c’est la Résistance tenace et le sang des martyrs du Hezbollah, tous de jeunes villageois du sud du Liban, qui l’ont obligé, après 22 ans d’occupation, à se retirer unilatéralement en mai 2000.
On peut évidemment être surpris que le Hezbollah, même après le retrait d’Israël, ait conservé ses armes et n’ait pas immédiatement intégré l’armée libanaise. En réalité, plusieurs raisons ont contribué à encourager le Hezbollah à maintenir le statu quo : l’obsession israélienne de dominer par la force les peuples et l’absence de garanties pour le Liban d’être à l’abri d’une nouvelle occupation ou de nouvelles agressions de l’armée
israélienne. Des agressions quasi quotidiennes depuis 1968, auxquelles s’ajoutent deux invasions du Liban en 1978 et en 1982. Notons qu’après le retrait de l’an 2000, les violations des espaces aérien et maritime libanais ont été permanentes.
Par ailleurs, le reste du monde, fors ce qui est communément appelé la « communauté internationale », a assisté avec stupéfaction à l’insistance des puissances impérialistes pour que soit appliquée la résolution 1559 du Conseil de sécurité, laquelle exige le désarmement du Hezbollah et de tous les mouvements palestiniens au Liban. Ces mêmes puissances qui mettent autant de zèle à soutenir l’impérialisme israélien, et dont la plupart sont membre du Conseil de sécurité, font-elles preuve du même enthousiasme quant à l’application par Israël des résolutions de l’ONU exigeant à Tel-Aviv d’évacuer les territoires occupés en 1967 à Gaza, en Cisjordanie, au Liban (les fermes de Chebaa) et dans le Golan syrien ? Non.
Face à l’armée israélienne, comme l’ont montré les événements récents, seul le fusil intelligemment manipulé pourrait rééquilibrer le rapport de force. Et seule une guérilla menée par des combattants bien entraînés et bien aguerris pourrait empêcher une nouvelle occupation. Une armée régulière qui ne dispose d’aucune aviation et d’aucun système de défense antiaérienne en serait incapable. C’est ainsi que l’on transforme la faiblesse en atout stratégique et tactique pour gagner une guerre face à un ennemi plus puissant.
Est-il « terroriste » celui qui se défend dans son propre pays face à une occupation militaire étrangère ? N’avait-on pas appelé « résistants » les Français qui sabotaient les lignes de transport pendant l’occupation allemande ? Il est évident que ce terme est souvent dénaturé pour être utilisé à tort et à travers à des fins politiques et partisanes. Qui allait exiger d’Israël de respecter la souveraineté et les droits des Libanais en se retirant du Liban ? Qui allait défendre les droits des prisonniers libanais dans les geôles israéliennes ? Qui allait protéger le droit le plus élémentaire des fermiers du sud du Liban, à savoir celui de simplement cultiver leur terre ? Personne.
L’ONU a-t-elle condamné la violation israélienne de l’espace aérien syrien la semaine dernière ? Non. L’ONU, qu’aurait-elle fait pour libérer le martyr Samir Kuntar et ses co-geôliers des prisons israéliens, si le spectaculaire enlèvement de deux soldats israéliens n’avait pas eu lieu le 31 juillet 2006 ? Rien.
Défendre sa terre, sa famille, son honneur et son peuple contre des envahisseurs est un droit divin. Ces honorables masses libanaises avaient bien assimilé non seulement cela, mais elles avaient aussi compris que ni l’ONU ni les États arabes ne pouvaient les libérer. Mais le sang versé et le rapport de force, seul langage compris par l’impérialisme, en étaient capables.
D’une simple milice, le Hezbollah est devenu une organisation capable de changer l’équation géopolitique régionale en Syrie, à la lumière de six années de lutte contre des hordes terroristes façonnées par les puissances impérialistes. Le Hezbollah constitue aujourd’hui une force populaire considérable à l’avant-garde des aspirations des peuples. Le principal mensonge du discours impérialiste réside dans la qualification du Hezbollah comme « organisation terroriste manipulée par l’Iran ». Cette simplification caricaturale illustre bien le déni occidental des aspirations des masses populaires. Comme les Saoud le font au Yémen depuis mars 2015, en niant les aspirations du peuple yéménite pour justifier leur « sale guerre impériale », une guerre inutile qu’ils obstinent à mener pour contrer « l’incursion hégémonique de l’Iran » dans ce qu’ils considèrent comme leur sphère d’influence. Comme si les peuples n’étaient pas libres de tisser toutes les alliances qui paraissaient utiles à leurs yeux...
Il en va de même de l’Iran, cible des diatribes récurrentes de Trump et consorts. Cette puissance gêne beaucoup les projets impérialistes en incitant les masses défavorisées à se libérer de la domination qui leur est imposée. Voici un cas d’école à imiter pour tous les peuples épris du désir de se libérer du joug de la domination impérialiste : la coopération sincère et bienveillante avec une puissance régionale anti-impérialiste peut changer non seulement l’équation locale, mais aussi régionale et internationale. Incontestablement, l’édification du Hezbollah n’était qu’une réponse locale pour pallier l’impuissance du droit international, torpillé par les puissances impérialistes, qui s’érigent à la fois en juge et en partie.
Par conséquent, pour la majorité des peuples des États faibles, incapables de se protéger seuls contre les machinations impérialistes, le moment n’est-il pas venu de ne plus rien attendre des fausses promesses de sécurité et de liberté des prédateurs impérialistes et de s’organiser pour prendre en main la défense de leurs ressources, afin de retrouver leur liberté et leur dignité
Article du chroniqueur de Press TV à Djibouti