Selon un responsable du renseignement yéménite, l'Arabie saoudite a franchi un nouveau palier dans sa guerre quasi défaite contre le Yémen et se focalise désormais sur "l'occupation totale du détroit de Bab el-Mandeb".
" Les officiers américains, britanniques et israéliens diligentent depuis le centre de commandement de la coalition pro-Riyad les opérations contre les ports yéménites limitrophes de Bab el-Mandeb"
Interrogé par l'agence de presse iranienne Fars, Ali Mohamad Qaed relève " les revers consécutifs de l'Arabie saoudite depuis deux ans au Yémen" et "l’obsession qui est désormais la sienne à s'emparer du détroit ultra stratégique de Bab el-Mandeb, détroit que convoitent à la fois les États-Unis et Israël".
Mais où vont les affrontements?
Selon cette source yéménite, " la guerre ne cesse de se complexifier dans la mesure où l'armée yéménite et Ansarallah font face en ce moment à une multitude de milices; celles liées au président démissionnaire Mansour Hadi, celles qui se revendiquent d'Al-Qaïda, des Frères musulmans ou encore de la pensée wahhabite et takfiriste".
L'officier du renseignement yéménite évoque aussi les Émirats et leur large présence au sein de la coalition : " Animés par l'appât du gain et en dépit de leurs profondes divergences avec Riyad, les Émirats arabes unis présentent désormais 10% des forces de la coalition et ils participent aux opérations par le ciel, la mer et la terre, et sans compter les mercenaires qu'ils financent et qu'ils entretiennent.
Les Émirats, selon l'officier yéménite, disposent de trois QG à la fois à Abou Dhabi, à Dubaï et à Ras al Khimah, "ce qui explique la complexité de la présence des Émirats au sein de la coalition saoudienne. En effet, il est difficile de comprendre lesquelles des milices terroristes liées aux Émirats coopèrent avec Riyad. L'officier rappelle que les mercenaires membres de la société "BlackWater" se battent aussi pour le compte d'Abou Dhabi. " Ces mercenaires comptent parmi ses rangs des Janjawids ( habitants arabophones du Darfour) ainsi que des colombiens. Ils se battent au Yémen habillé avec des uniformes militaires émiratis. Quant aux soldats émiratis eux-mêmes, ils se trouvent pour la plupart aux Émirats et pas au Yémen.
Que cherchent les Émirats au Yémen?
Le gros des combats de l'armée yéménite et d'Ansarallah contre la force d'agression se déroule dans le nord, sur les frontières avec l'Arabie saoudite. Les mercenaires de BlackWater opèrent ces derniers temps dans les provinces de Hadramaout, d'Abyan. Ces mercenaires veulent défaire les forces liées à Hadi et à Al Qaida et aux Frères musulmans, c'est-à-dire l'Arabie saoudite. Les Émirats cherchent aussi à s'emparer de Taëz. En effet, ce sont les deux îles de "Socotra" et de " Myon" qui sont essentiellement convoitées par les forces émiraties. Car ces deux îles se trouvent à l'entrée du golfe d'Aden et elles ont été louées par Hadi aux Émirats pour une période de 90 ans.
L'île de Myon est l'île la plus stratégique de Beb el-Mandeb. Elle est surnommée l'île aux mille trésors. Depuis 2008, les Émirats cherchent à construire un pont reliant cette île à Djibouti pour pouvoir mettre sous leur férule la région de Bab el-Mandeb.
L'officier yéménite affirme que "l'argent émirati" a permis à ce mini émirat de profiter du chaos provoqué dans la foulée de la guerre au Yémen, et d'avoir un pignon sur la rue non seulement dans le golfe d'Aden, mais aussi en mer Rouge. C'est une occasion pour les Émirats de chercher à couper l'herbe sous pied de l'Arabie saoudite, quasi écrasée sous le poids d'une guerre coûteuse et sans lendemain qui lui épuise ses forces.
Selon l'officier yéménite, " la guerre à Bab el-Mandeb est dirigée par les officiers américains, britanniques, saoudiens , émiratis et israéliens, tous rassemblés dans une base aérienne, Asaab, en Érythrée.
Pourquoi Bab el-Mandeb?
C'est un détroit d'une extrême importance sur le plan géographique, économique, et stratégique. La partie qui parviendrait à le contrôler aura un" atout" important dans cette région minée par des conflits larvés. D'où l'extrême intérêt des États-Unis et de l'Arabie saoudite pour cette voie maritime, la seconde en importance après le canal de Suez. Cette voie relie la mer Rouge à la Méditerranée tout en reliant l'Asie du Sud-ouest à l'est de l'Afrique et à l'Europe. Ce détroit donne un accès aussi au golfe Persique et constitue les frontières maritimes de trois pays que sont le Yémen, l'Érythrée et Djibouti.
À l'heure qu'il est , entre 5 à 6% de la production mondiale du pétrole est acheminée quotidiennement via Bab el-Mandeb, soit 4 millions de tonnes de pétrole. Chaque année, 21.000 navires et pétroliers et cargos traversent cette voie maritime. L'agence américaine de l'énergie a fait publier une étude en 2013 où elle souligne le transit quotidien de 3.8 millions de barils de pétrole chaque jour par ce détroit, ce qui représente 6% du commerce mondial du pétrole.
Bab el-Mandeb assure le trafic maritime entre les pays de l'Europe, de la Méditerranée, de l'océan Indien et de l'est de l'Afrique.