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USA : la délicate mission d'Adel al-Joubeir

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Que cherche le ministre saoudien des Affaires étrangères aux États-Unis ? (Photo d'archives)

La visite du ministre saoudien des Affaires étrangères à Washington reflète selon les commentateurs la grande préoccupation de Riyad à l'idée de voir les républicains prendre les commandes à Washington. L'Arabie saoudite prépare l'ère post-démocrate au Moyen-Orient, où elle entend visiblement se retirer des grands dossiers régionaux et travailler à la reconstruction de ses relations avec les États-Unis. 

Dans son éditorial, Ray al-Youm revient sur le choc que fut pour Riyad la victoire de Trump, "l'homme qui a prouvé tout au long de sa campagne électorale son antipathie pour l'Arabie saoudite".

"Trump a exigé que les importations du pétrole saoudien aux États-Unis s'arrêtent ou encore qu'un quart des ressources pétrolières saoudiennes soit livré aux États-Unis en échange du soutien qu'assurent ces derniers à Riyad. Une telle perspective a poussé l'Arabie saoudite à opter pour une double démarche, censée limiter la casse. Primo, Riyad vient d'envoyer aux États-Unis son ministre des Affaires étrangères et ancien ambassadeur à Washington. Sa mission "préventive" consiste à négocier avec la nouvelle administration américaine pour prévenir toute restriction à venir et consolider l'alliance, actuellement au point mort mais vieille de 80 ans, entre les États-Unis et l'Arabie saoudite. 

Secundo, signer des contrats avec une douzaine de sociétés et de firmes américaines qui emploient des personnalités influentes et d'anciens ministres et diplomates. Riyad cherche à s'assurer un puissant lobby qui puisse faire avancer ses pions sous l'ère de Donald Trump. 

Ces derniers jours, Adel al-Joubeir s'est entretenu avec le sénateur John McCain et avec le directeur du comité des finances du Sénat américain. Il s'est fait accompagner par le prince Turki al-Fayçal. En ce qui concerne la seconde mission, rappelons que Denis Ross, ancien envoyé de Barack Obama pour le Moyen-Orient, ainsi que Zalmay Khalilzad, ex-ambassadeur américain en Afghanistan, ont été la pointe des flèches anti-saoudiennes décochées par le candidat Trump.

Al-Joubeir a concentré de façon peut-être tardive ses efforts sur les deux chambres, car ce fut le lobby pro-Riyad au Congrès et au Sénat qui a bloqué la loi dite JASTA (Justice Against Sponsors of Terrorisme Act) qui permet aux victimes des attentats du 11 septembre 2001 de se faire indemniser par l'Arabie saoudite. Cela étant dit, la mission d'al-Joubeir s'avère fort délicate. Les républicains détiennent la majorité des deux chambres et ce sont eux qui se sont alignés sur les positions de Trump tout au long de sa campagne. Ces "têtes dures" n'iront certes pas oublier des milliards que l'Arabie saoudite et le Qatar ont dépensés pour que Hillary Clinton l'emporte ! 

Et puis la mission quasi impossible d'al-Joubeir intervient sur fond de dangereuses évolutions dans les dossiers syrien, irakien et yéménite. Les batailles d'Alep et de Mossoul battent leur plein et John Kerry semble vouloir en finir avec la crise yéménite, lui qui, à Mascate, a rencontré la délégation des Houthis. Dans toutes ces évolutions, al-Joubeir, trop silencieux ces derniers temps, brille par son absence. À en croire les analystes, l'Arabie saoudite a déjà commencé son retrait des grands dossiers régionaux. Ce qui importe pour les Saoud de prime abord, c'est d'amorcer "un réchauffement des relations avec Washington". 

Al-Joubeir est un fin connaisseur des États-Unis pour y avoir servi le trône des Saoud comme ambassadeur. Cela dit, l'homme est loin d'être de taille pour produire des miracles. Un Congrès et un Sénat hostiles, plus une Maison Blanche largement anti-saoudienne, réduisent sensiblement les chances d'un diplomate qui, dit-on, ne brille ni par son intelligence ni par sa diligence... 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV