« Pour la première fois, l’Arabie saoudite est attaquée à la fois par des dirigeants sunnites et chiites » (For the first time, Saudi Arabia is being attacked by both Sunni and Shia leaders) est un article du journaliste britannique Robert Fisk, paru le 22 septembre dans The Independent. Débriefing.
L’attaque ne vient pas des leaders chiites traditionnellement hostiles à l’Arabie saoudite, pas même de l’Ayatollah Ali Khamenei, le leader de la révolution islamique d’Iran, mais de quelques deux cent prélats sunnites réunis en conclave les 25 et 26 août dernier, au premier Congrès islamique de Grozny, capitale de la Tchétchénie. Cette conférence s’est tenue en présence de l’ex-recteur de l’université d’Al-Azhar d’Egypte, la plus haute autorité de l’islam sunnite au monde. Elle a exclu le wahhabisme salafiste de la définition du sunnisme, voire du cadre de la communauté sunnite.
L’Arabie saoudite, grande prêtresse du camp sunnite, berceau du pèlerinage de la Mecque, y a été désignée par ses propres coreligionnaires comme « dangereuse déviante » à la confession sunnite. « Il était temps que cette doctrine criminelle du wahhabisme soit rejetée de la oumma, de la jama’a etant donné le mal qu’elle produit sur terre, en massacrant des centaines de milliers de musulmans », rappelle Pierrick Tillet, dans une chronique du Yéti.
Dans son article, Robert Fisk souligne que la conférence de Grozny qui n’a retenu l’attention d’aucun grand média international, a donné le signal de l’avènement d’une tragédie encore plus répugnante que celle que traverse la Syrie.
Dans leur déclaration finale, approuvée au passage par le président russe Vladimir Poutine, les leaders sunnites ont tacitement qualifié le régime de Riyad de takfiriste. L’anathème a laissé les autorités saoudiennes complètement interloquées, d’autant que ces dernières ont déversé des millions de dollars pour assurer leur mainmise sur des milliers de mosquées, d’écoles et de religieux sunnites à travers le monde. « Le monde est prêt à nous brûler ! », s’est écrié, abasourdi, l’imam de la mosquée du roi Khaled ben Abdelaziz Al Saoud à Ryad, en apprenant la sentence sans appel de ses coreligionnaires.
Daech, al-Qaïda et les talibans sont les factions étrangères, affiliées au wahhabisme hors de l’Arabie saoudite et du Qatar, écrit R. Fisk. Il fait aussi référence à un numéro du quotidien libanais Al Akhbar citant le ministère saoudien de la Santé qui avait annoncé que ces quatorze dernières années, le nombre des pèlerins ayant trouvé la mort lors des cérémonies du Hadj avoisinait les 90 000. Chiffre démenti par les autorités saoudiennes mais confirmé par l’Iran qui pleure encore la disparition de centaines de ses pèlerins à Mina en 2015.
Par ailleurs, Fisk évoque les récentes déclarations de l’Ayatollah Khamenei qui avait sévèrement fustigé les Saoudiens. Au Congrès sur les préparatifs du Hadj 2016, le leader iranien les avait considérés de « piteux criminels » qui avaient jeté les corps des pèlerins dans des containers. Faute de garanties et en réaction à l’incompétence des autorités saoudiennes dans la gestion des cérémonies du pèlerinage de La Mecque, les Iraniens ont boycotté le Hadj de cette année. « Le régime saoudien a traîné le monde de l’islam dans une guerre civile », avait déclaré l’Ayatollah Khamenei.
Le journaliste britannique s’étonne du fait que pour la première fois, l’Arabie saoudite ait été réprimandée aussi bien par les leaders sunnites que les leaders chiites. Alors que, suite au coup d’Etat d’Abdel Fattah al-Sissi en Egypte, Riyad a dépensé des millions de dollars pour relancer l’économie de ce pays, la présence d’une personnalité comme celle d’Ahmad el-Tayeb, l’ancien recteur de l’université d’Al-Azhar, au Congrès de Grozny, porte un coup dur et irréversible au régime saoudien.
Sara Saïdi B.