Le Premier ministre libanais, Tammam Salam, a dit regretter cette décision. Cette mesure vient dans un calendrier bien précis, à savoir la pression de l’Arabie Saoudite et des autres pétromonarchies sur le Liban, ce Liban qui cherche à défendre une unité politique qui inclut le Hezbollah. En toile de fond, la volonté d’un affrontement avec l’Iran.
Cette initiative met Paris sous tension, alors que ce fidèle allié de Riyad est bien tenté d’aider ses entreprises à faire des bonnes affaires en Iran… Il y aura des choix à faire… En 2013, la France avait été très active pour que la branche militaire du Hezbollah soit portée sur la liste de l'UE des organisations terroristes. Mais il y a des enjeux plus contingents. Après la dénonciation par l’Arabie Saoudite du don de 3 milliards de dollars au Liban pour l’équipement de son armée, la France a négocié la livraison du matériel... aux Saoudiens, et on apprend – hasard total du calendrier – que notre finissant Hollande vient en cachette de remettre la Légion d'honneur au ministre de l'intérieur, un homme de paix chargé entre autre du calendrier des exécutions capitales…
Alors, qualifier le Hezbollah de groupe terroriste ? Le problème est qu’il y a des réalités, lourdes, et les ignorer ne mènera pas loin.
Le Hezbollah est un parti politique, avec des représentants légitimement élus, participant à la coalition gouvernementale. Ramtane Lamamra, le ministère des affaires étrangères algérien a été le plus net pour dénoncer cette décision, rappelant le principe de non-ingérence dans les affaires internes des pays. Pour l’Algérie, il s’agit d’ « un mouvement politico-militaire qui est actif sur la scène politique interne au Liban », ajoutant : « Nous devons dans le même temps respecter la Constitution du Liban et les dispositions sur lesquelles repose la coexistence dans ce pays ».
Ensuite, il y a les réalités du terrain. Ces dix dernières années, le mouvement s’est renforcé sur les plans politique et militaire. Hassan Nasrallah explique régulièrement que le Hezbollah est en passe de devenir l’ennemi commun d'Israël et de l'Arabie saoudite, et qu’il surveille une offensive militaire à laquelle il se prépare. De fait, qui peut contester l’efficacité militaire des combattants du Hezbollah, et leur ancrage dans la société libanaise ?
Enfin, l’Arabie Saoudite, après s’en être prise au Yémen pour ses liens réels et supposées avec l’Iran, peut envisager d’en découdre avec Hezbollah, mais la déstabilisation du Liban aurait des effets ravageurs dans la région. L’Europe laissera-t-elle s’engager une telle opération qui enverrait une nouvelle masse de migrants vers l’Europe ? Et puis, qui souhaite que les groupes pro-Daech puissent prospérer dans un Liban déstabilisé ? Aussi, en poussant dans cette logique de l’affrontement, l’Arabie Saoudite s’aliène le soutien des Etats-Unis et de l’Europe, lesquels, bien au contraire, apprécient de savoir désormais compter sur un Iran qui s’annonce diplomatiquement impeccable comme grand stabilisateur de la région.
Les pétro-monarchies arabes du Golfe (Persique) – qui se sentent lâchées par les US – jouent de plus en plus une carte autonome, profitant de leur faible coût d'exploitation du pétrole pour écrouler le prix du brut, avec la volonté ruiner d’autres pays exportateurs et de rendre non-rentable le pétrole de schiste aux US, pour fragiliser les banques qui ont massivement joué sur cet investissement.
Prochain épisode, la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères.
Source: Gilles Devers
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