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Le mythe d’un conflit chiite-sunnite perd en crédibilité

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le roi Salmane d’Arabie saoudite, au sommet de la Ligue arabe, en Jordanie, le 29 mars 2017. ©AFP

Alors que le ministre saoudien des Affaires étrangères suggère que son pays pourrait endurer deux ans de plus de crise avec le Qatar, un analyste américain dit que cette crise ressemble à une grande victoire pour l’Iran.

Mohammed Ayoob, professeur de relations internationales à l’Université d’État du Michigan et haut membre du Center for Global Policy, a rédigé un article pour le site internet The National Interest, qui a été publié le lundi 4 septembre, avec pour titre « La crise arabo-qatarie représente une grande victoire pour l’Iran ».

Voici un extrait de cet article :

« L’Iran a gagné un autre round dans cette guerre froide irano-saoudienne qui ternit depuis quelque temps la perspective politique du Moyen-Orient. La victoire de l’Iran lors de ce round est en grande partie le résultat de la stupidité de l’Arabie saoudite. Riyad a mis le Qatar au ban des nations dans l’espoir de voir Doha, exaspéré par cette quarantaine imposée par l’Arabie et ses alliés, retourner auprès de son frère aîné en courbant l’échine. Cette hypothèse de Riyad était fondée sur l’idée que le petit Qatar aurait certainement besoin de son grand voisin, l’Arabie saoudite, pour subvenir à ses besoins en matière de commerce, de transport aérien, d’alimentation et d’autres marchandises.

Cette hypothèse découlait de l’espoir de l’Arabie saoudite que le Qatar ne serait pas capable de survivre à une avalanche d’embargos, mais ce qui s’est passé en réalité est le contraire. Le Qatar a rejeté toutes les demandes de la partie saoudienne, dont la fermeture de la chaîne d’information Al-Jazeera et, la plus importante d’entre elles, la rupture de ses relations avec l’Iran, le pays avec qui Doha partage le plus grand champ gazier du monde.

Le Qatar a réussi à le faire pour deux principales raisons. Tout d’abord, l’Iran et quelque peu étonnamment la Turquie, qui était en bons termes avec l’Arabie saoudite, sont rapidement passées à l’acte pour aider le Qatar à surmonter les sanctions. Deuxièmement, l’Arabie saoudite avait mal mesuré l’importance que prêtait Washington à ses relations avec le Qatar, où est située la plus grande base aérienne des États-Unis au Moyen-Orient. Ce qui fait du Qatar un pays important pour les opérations aériennes du Pentagone en Afghanistan et en Syrie. Appuyés par ces deux facteurs, les Qataris ont pu faire la nique aux Saoudiens.

Le Qatar a fait exactement ce qu’il devait faire. Le 23 août, Doha a fait connaître sa décision de renforcer ses relations bilatérales avec la République islamique d’Iran sur tous les plans et de rétablir son ambassadeur à Téhéran. Ça, c’est une victoire bien remarquable et un progrès inattendu pour l’Iran, qui voit un intérêt dans la normalisation de ses relations avec les membres du Conseil de coopération du golfe [Persique, NDLR].

Le Qatar s’occupe actuellement de son conflit avec l’Arabie saoudite, un conflit dans lequel il bénéficie du soutien iranien. Ce qui pourrait très probablement réduire les aides financières des Qataris adressées aux forces anti-Assad en Syrie, voire les arrêter.

Là, ce qui mérite également notre attention est que le rapprochement entre l’Iran et le Qatar a, en quelque sorte, abouti à l’essor des relations entre l’Iran et la Turquie. Dans le même temps, Téhéran et Ankara travaillent pour arrondir les angles de leurs désaccords et Ankara semble prêt à faire toutes les concessions. Par exemple, la Turquie a accepté comme un fait acquis que Bachar al-Assad, soutenu par l’Iran, ne pourra pas être destitué par la force.

Ça, c’est une victoire majeure pour l’Iran. L’Arabie saoudite, à travers ses mauvais calculs, causés par son orgueil démesuré, a balisé le terrain à cette nouvelle victoire diplomatique de l’Iran. La diplomatie subtile de Téhéran et sa patience illimitée ont finalement porté leurs fruits.

Le rapprochement de l’Iran chiite avec le Qatar et la Turquie, deux pays majoritairement sunnites, a déjà commencé à briser le mythe selon lequel la crise sévissant au Moyen-Orient serait causée par un conflit chiite-sunnite âgé de 1 400 ans. Étant donné que les sunnites constituent la majorité absolue du monde musulman, un conflit chiite-sunnite aurait été une arme puissante dans l’arsenal de propagande de l’Arabie saoudite. Cette arme perd de plus en plus en crédibilité, car il n’est plus caché à personne que cette rivalité entre l’Iran et l’Arabie saoudite ne relève pas d’un conflit confessionnel, mais plutôt de raisons politiques. »

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SOURCE: FRENCH PRESS TV