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Idlib: le message de l'Iran à la Turquie

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Un exercice militaire des Brigades d'élite Heydar Karrar iraniennes. ©Tasnim/Archives

Tout laisse croire que la libération complète d’Idlib et l’exercice de la souveraineté syrienne sur toutes les régions du pays constituent les principaux objectifs de Damas, et que c’est aussi l’avis de Téhéran et Moscou.

La Turquie, l’autre partie impliquée dans le processus d’Astana, ne partage pourtant pas cette vision. Ankara peine à accepter que Damas a tous les droits de réinstaurer sa souveraineté sur Idlib et de reprendre complètement cette région aux terroristes extrémistes. Sous prétexte que les opérations de l’armée syrienne à Idlib pourraient mettre en péril la vie des civils, la Turquie agit de sorte que la question d’Idlib reste irrésolue, non sans exacerber les tensions avec les gouvernements russe et syrien. Or, tout le monde sait que le souci d’Ankara consiste à protéger un grand nombre d’insurgés syriens hors du cadre de Hayat Tahrir al-Cham qui, d’après les considérations politico-sécuritaires du président turc Recep Tayyip Erdogan, doivent être acceptés en tant qu’« insurgés non-terroristes » au processus politique en Syrie.

Mais à quoi ressemble le positionnement de Téhéran envers Idlib ?    

Le site d’information et d’analyse politique Mashregh News estime que trois récentes évolutions le montrent de la meilleure manière.

A. Discours du représentant permanent de l'Iran à l’ONU

Dès que le processus de libération d’Idlib a révélé ses complexités, le Conseil de sécurité de l’ONU a consacré une réunion à ce sujet. Le représentant permanent de l'Iran aux Nations unies, Majid Takht-Ravantchi, était l’une des personnes à avoir attiré l’attention des médias de la région et du monde, avec un discours important et plein de sens. Après avoir brossé un tableau précis des évolutions en cours à Idlib, en Syrie, le diplomate iranien a prononcé un discours que l’on pourrait résumer en cinq axes :

1. En tant que l’un des pays garants du processus d’Astana, l’Iran est prêt à mobiliser tous ses moyens pour aider au règlement des différends actuels entre Damas et Ankara au sujet d’Idlib.

2. La situation reste névralgique et il va falloir veiller à ce que la gestion de la crise ne nous échappe. La lutte contre les terroristes doit se poursuivre et en même temps, la vie des civils doit être protégée plus qu’avant.

3. Takht-Ravantchi a demandé que l’accord de Sotchi reste en vigueur au sujet d’Idlib, d’autant plus que les réunions d’Astana ont évoqué l’importance de cet accord.

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4. Il faut s’assurer que la crise à Idlib sera réglée par les voies politiques et en même temps, il ne faut pas permettre que les terroristes en abusent pour renforcer leur poids et faire d’Idlib un refuge sûr.

5. Il ne faut pas permettre que davantage de civils soient visés ou pris en otage ; il faut veiller à ce que personne ne confonde la protection de la vie des civils avec celle des terroristes.

La partie la plus importante des déclarations du représentant iranien aux Nations unies était un alinéa à l’adresse du gouvernement turc :

« Ankara doit œuvrer de façon à ne pas éveiller des accusations portant sur la protection de la vie des terroristes. »

B. Visite de Larijani en Syrie

Simultanément à la conférence de presse du président Rohani sur les questions régionales surtout le dossier syrien, le président du Parlement iranien, Ali Larijani et la délégation l’accompagnant négociaient dimanche avec le président syrien Bachar al-Assad à Damas.

Le calendrier établi pour cette visite et sa simultanéité avec l’avancement de l’armée syrienne à Idlib transmettent un message fort de la part de la RII, en signe d’appui à Damas et évoquent la nécessité pour le gouvernement syrien d’exercer sa souveraineté sur le Nord-Ouest et d’en expulser tous les terroristes.

Lors de la rencontre avec le président du Parlement iranien Ali Larijani, le président syrien Bachar al-Assad a affirmé que « les ennemis du peuple syrien continuaient toujours de soutenir les terroristes qui utilisent les civils comme bouclier humain ». « Le peuple syrien est déterminé à nettoyer tout le territoire du pays de la présence des terroristes », a-t-il ajouté.

De même, le chef du groupe d’amitié interparlementaire syro-iranien, Béchir Charbatchi, a déclaré à Al-Ahed que la visite de M. Larijani à Damas s’était effectuée dans la foulée des relations normales et fraternelles des deux pays.

« L’Iran et la Syrie sont deux importants partenaires au sein de l’axe de la Résistance. Larijani est venu à Damas sur un fond d’ingérences directes et d’agressions criminelles d’Erdogan contre le territoire syrien et est un signe de solidarité de la part de l’Iran, à l’adresse du peuple et des responsables syriens. »

D’après le parlementaire syrien, « l’Iran et la Russie ont fait comprendre à Erdogan qu’ils observaient son mauvais comportement ; la riposte à Erdogan sera proche ».

C. Éclairage du président Rohani sur Idlib devant la presse

Une journaliste de l’agence de presse turque Anadolu a questionné dimanche le président Rohani sur la situation à Idlib. « Le processus de négociations de Sotchi va-t-il se poursuivre et si oui, pourrait-on s’attendre à un résultat tangible ? Et dans les circonstances actuelles sur le terrain en Syrie, l’Iran a-t-il une nouvelle initiative pour aider au règlement de la crise en Syrie ? »

À ces questions, M.Rohani a répondu en ces termes :

« Premièrement, le processus de Sotchi est un processus hyper-important du point de vue politique.

Deuxièmement, nous ne devons pas abandonner le processus et l’accord de Sotchi et je souhaite vraiment que la Turquie, aussi, respecte les accords que nous avions conclus auparavant ensemble.

Troisièmement, Idlib est une province de la Syrie ; nous devons combattre les terroristes partout et aussi dans cette province. Le fait que la Turquie prétend qu’à cause de la bataille d’Idlib, beaucoup de gens pourraient quitter la Syrie pour venir en Turquie et y demander asile n’est pas un bon argument [pour arrêter les opérations anti-terroristes à Idlib]. Autrement dit, ce n’est pas logique de s’attendre à ce qu’un pays quelconque renonce à son territoire, à sa souveraineté et sa légitime lutte [contre le terrorisme], sous prétexte que le nombre de demandeurs d’asile pourrait augmenter pendant que la lutte contre les terroristes continue. Une fois que la sécurité sera rétablie, tous ces individus rentreront [dans leur pays]. »

Ce ne serait pas anodin que le président Rohani, en réponse à la question d’Anadolu, a utilisé le terme « demandeur d’asile » et pas « réfugié ». Bref, les propos clairs de M. Rohani montrent bel et bien que la position de l’Iran envers Idlib est différente de celle de la Turquie et qu’une parfaite entente existe entre Téhéran, Damas et Moscou, au sujet de la façon dont il faudra agir à Idlib.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV